Encore raté ! Je dois être coulé dans un béton d'honnêteté, car j'ai eu beau chercher dans le moindre recoin une trace de ridicule ou d'imperfection dans le Goncourt d'Houellebecq, j'ai fait chou blanc... Et c'est peut-être là le seul défaut du livre : tout faire, absolument, pour n'en avoir aucun. La Carte et le Territoire est un bloc de glace, transparent et froid, qui fond petit à petit jusqu'à disparaître dans la plus grande indifférence, sans bruit, sans remous, et sans laisser de trace.
Tout y est sobre, et lisse. Le personnage, sa trajectoire, son oeuvre. Tout comme le style, pourtant traversé ici et là d'un humour qui se désamorce lui-même à force d'être désabusé. Houellebecq, à trop vouloir marcher sur la pointe des pieds, accouche d'un enfant mort-né.
Ce roman est inattaquable, et partant totalement inutile. C'est à croire que la lucidité, quand elle est à ce point exempte de toute passion, n'a aucun intérêt. A quoi bon dénoncer sans flamme, ratiociner sans révolte, trier d'une main molle ses désillusions et ses compromissions ? Bien sûr, l'homme est mauvais et lâche, l'art inutile et dévoyé, l'amour triste et impossible, mais à quoi peut bien servir de le dire sans hausser le ton, en caressant son chien pendant que dans la cheminée les bûches se consument ? On ne devrait jamais écrire un livre sous prétexte qu'on est au bout du rouleau.
Reste un insondable mystère : pourquoi diable faire autant de bruit autour d'un si grand rien ?