Qu'un livre pourtant d'une longueur moyenne requière des jours et des jours de lecture (que je qualifierais de laborieuse), sans jamais enthousiasmer ou émouvoir, est souvent synonyme de déception ou d'insuccès. Toutefois, aucun de ces deux termes ne qualifie convenablement ce roman expérimental de Virginia Woolf (le quatrième que je décortique de cet auteur) ; car cette lecture ne laisse aucune impression marquante si ce n'est celle de tanguer sur une mer d'associations d'idées floues, difficile à dompter (plus de cent soixante-dix notes explicatives aident à la compréhension dans certaine édition). La pluralité des voix, parmi lesquelles se mêlent celle du narrateur omniscient et celle de l'auteur, étrangement euphorique çà et là, a quelquefois semblé incontrôlable.
De longues parenthèses, qu'assurément seuls les ardents lecteurs de l'écrivain savent apprécier, traduisent les embrouillements de l'esprit qui les a composées – il n'y a parfois (et je le crois sincèrement) rien à retenir de ces fréquentes digressions. Et que dire du protagoniste, Jacob ?... si volage qu'il papillonne d'une page à l'autre, d'une pensée à une autre, d'un amour à un autre, sans jamais apparaître entièrement aux yeux du lecteur. De son enfance à son trépas, le héros, « d'une extraordinaire gaucherie » et à « l'air si distingué » (voilà tout ce que je sais), n'est présent qu'au travers des autres, décrit selon les goûts de chacun – si bien qu'il finit par n'être personne. Personne, c'est ce que sont également les très – trop ? – nombreux personnages accessoires, rarement charmants puisqu'ils apparaissent de façon soudaine et disparaissent aussi brusquement, sans avoir eu le temps de dévoiler leur personnalité (« qui est qui ? » est une question que je me suis posée souvent).
Mon inclination pour les récits intelligibles a forcé mon désintérêt pour ce roman brouillon, duquel seule la confusion se dégage adroitement.