Décidément je n’aurais jamais lu un Camus de manière « normale » : le lycée ou une chanson des Cures. Et maintenant c’est à cause de Bref.2 que j’ai lu La Chute.
Roman qui conjugue singulièrement les capacités d’auteur et de penseur d’Albert Camus, la Chute est un manifeste existentialiste. Terriblement puissant, chaque page prend possession du lecteur, confronté petit à petit à travers la figure du narrateur à son propre reflet.
Dans la Chute, nous avons un narrateur qui raconte sa vie à une personne rencontrée dans un bar des Pays-Bas. Nous n’avons que sa discussion, rien de plus : ni ses pensées, ni description et encore moins une possible réponse. Il va ainsi nous raconter sa vie d’avocat parisien, bien sous tout rapport, orgueilleux mais bon, puis la découverte de sa propre hypocrisie.
Ce ton surprenant renforce le sentiment de miroir : c’est bien nous-mêmes que Camus veut nous montrer. La Chute est vraiment une œuvre existentialiste, doublement même : d’une part car cela renforce l’absurdité de la condition humaine et notre condamnation à être libre, mais aussi d’autre part parce que ce livre est fait pour brutaliser votre existence.
On ne ressort pas indemne de la Chute.
Quand j’avais lu L’étranger, j’avais le sentiment que le débat philosophique était trop rapide. Ici nous avons le complément.
Être soi ou s’illusionner ? Être soi c’est ne pas être ce que l’on donne à voir.
Le vice n’est qu’un masque, comme la vertu.
Le plus dur dans la chute, c’est qu’on ne sait jamais combien de temps elle dure.
Roman coup de poing. La Chute est une œuvre sans concession que tout un chacun devrait lire au moins une fois pour se confronter au masque qu’il porte chaque jour. Difficile de ne pas être changé d’une manière ou d’une autre, même superficiellement, par ce roman.