J'ai acheté "La cloche de détresse" à Paris lors d'un court séjour dans la capitale et j'ai commencé sa lecture dans le train. Les circonstances ne se prêtaient guère à la découverte d'un tel livre et d'une telle femme mais l'avidité et la curiosité ont eu raison de moi et m'ont forcée à entamer le roman.
Le début de ma lecture fut très mitigé et très contrasté et c'est pour me souvenir de mes impressions premières que je commence déjà à en rédiger la critique puisque mon opinion a évolué.
***SPOILER***
Partie 1 critique.
Esther Greenwood nous raconte sa plate vie dans un magazine new-yorkais auquel elle a le droit de participer puisqu'elle est l'heureuse gagnante (au même titre qu'onze autres jeunes femmes) d'un concours de poésie. Le lecteur ouvre le roman en se promenant sur le chemin de cette insipide existence racontée au travers d'une écriture sans relief et une histoire sans événement. Cependant, imperceptiblement et progressivement, le rouleau compresseur de l'accablement écrase lentement Esther, et plus les pages se tournent plus il se fait lourd et oppressant. Les mésaventures se succèdent et s'aggravent : violente intoxication alimentaire, soirée absolument ennuyeuse dans la riche société, tentative de viol...
La fin du séjour dans les locaux du magazine et le retour à la maison ramènent Esther à sa réalité intérieure, à ses déboires sentimentaux avec les hommes qu'elle nous raconte dans les moindres détails, à l'inconséquence des gens qui l'entourent et qu'elle déteste parfois. Elle se voit refuser l'entrée dans un cours d'été, cette impossibilité de réaliser ce qu'elle souhaite sonne le tocsin de son irrémédiable chute.
Petit à petit l'histoire s'assombrit, se noircit sur les côtés comme un ciel ombrageux, lourd et moite, le livre colle et dégouline de souffrance, c'en est parfois profondément bouleversant tellement il est cru et vrai.
Sylvia Plath s'est suicidé un an après la parution de son roman et il est impossible de ne pas être sensible à cette confession qu'elle nous fait de ses déchirements intérieurs qui laissent voir la plaie béante dont elle souffrait. Esther est Sylvia et Sylvia est Esther.
Je suis de plus en plus mal à l'aise chapitre après chapitre, j'ai l'impression que la cloche se referme aussi sur moi, lectrice extérieure à la désolation d'Esther. Tout est décrit avec une infinie précision.
La narratrice nous expose même sans pudeur les diverses méthodes qu'elle aimerait employer pour se suicider sans oublier l'horrible traitement psychiatrique dont elle est victime et qui me rappelle certaines scènes d''Un Ange à ma table de Jane Campion ou la vie de Camille Claudel.
Alors je me ménage des pauses dans ma lecture pour me permettre de digérer cette bile noire mêlée à la détermination de la narratrice à mourir froidement, comme ça, pour se sentir plus libre.
Partie 2 critique suite et fin de la lecture
Bien, voilà, j'ai terminé le livre hier soir, avide que j'étais de savoir la fin.
Je ne vais pas en raconter plus que je ne l'ai déjà fait, il me parait plus important de vous dire pourquoi vous devriez ou ne devriez pas le lire.
Pourquoi est-ce que je vous le conseille? Eh bien parce que c'est un chef-d'oeuvre et qu'il touche à la profondeur de la solitude et de la tristesse humaine analysée au travers d'un regard froid. Parce qu'Esther est très froide parfois, elle retrouve un peu d'humanité à la fin mais elle garde ses distances avec le Réel. Cette femme imprégnée de Sylvia m'a beaucoup touchée, et je ne vous cache pas que j'avais la nette impression de l'avoir à côté de moi.
Pourquoi est-ce que je ne le vous conseille pas? Si vous êtes une âme sensible ou que vous avez projeté de vous suicider cela ne peut qu'avoir un impact sur vous. Je pense que les personnes dépressives qui lisent ce roman peuvent en sortir avec deux réactions : soit elles se disent qu'elles ne souhaitent pas devenir Esther, soit elles se reconnaissent complètement dans Esther.
Quoi qu'il en soit : lisez-le si vous vous en sentez capable, vous ne regretterez pas votre lecture.