Au service de sa méchanceté.
Je n'aime pas la fantasy.
Plus précisément, je n'aime pas la fantasy à la sauce Tolkien avec ses univers, ses protagonistes et ses histoires aventureuses, la plupart du temps, formatées pour plaire au plus grand nombre.
Attention, je ne parle pas du fondateur lui-même mais des auteurs d'aujourd'hui qui sont capables de déployer un talent de conteur indéniable et une écriture remarquable... mais de les mettre au service de personnages chiants crées uniquement pour que le lecteur puisse facilement s'identifier à eux (Harry Potter, Fitz Chevalerie ou Wyl Thirsk).
C'est cette lassitude d'une genre qui périclite depuis trop longtemps qui m'a poussé à lire « les annales de la compagnie noire » de Glenn Cook.
Les annales de la compagnie Noire raconte l'histoire d'une compagnie de mercenaires dépravés sans foi ni loi qui, par un étrange concours de circonstance, se retrouvent au service de « La Dame » et de son Empire machiavélique.
Alors que les mercenaires sont envoyés aux quatre coins de l'Empire pour mater les rebelles et les dissidents, une question s'insinue dans l'esprit des membres de la compagnie : « Avons-nous choisi le bon camp ? »
La compagnie noire nous offre donc le point de vue des « méchants » et tranche radicalement avec le reste du paysage de la fantasy moderne.
Dans cet univers à la magie noire omniprésente, le mal et le bien se confondent, la vie humaine n'a que peu de valeur, et la guerre n'a jamais été aussi meurtrière.
Ici, il n'y a pas d'elfes, de nains ou encore de gobelin, seulement des Hommes perdus envoyés à l'abattoir comme de vulgaires animaux.
Le récit se veut réaliste et principalement basé sur la psychologie de ses personnages. Les membres de la compagnie se révèlent être des hommes rustres, violents, irascibles, sans pitié et sauvages pourtant tiraillés par leur notion du bien et du mal et par un sens moral...en bref des êtres profondément humains avec tout le côté paradoxal que cela implique.
Entre Toubib le médecin et chroniqueur de la compagnie, Gobelin et Qu’un-œil les deux sorciers, Capitaine, le chef et Corbeau l'éclaireur, le livre nous propose des personnages hétéroclites auxquels il est difficile de s’identifier mais facile de s'y attacher.
La narration employée par Glenn Cook, si elle à le mérite de proposer un traitement original, se révèle être difficile d'accès.
Les annales sont écrites à la première personne et sont tenues par Toubib. Ce dernier étant à la fois le narrateur et un membre vétéran de la compagnie n'hésite pas à employer un ton très subjectif et ne présente que rarement les personnages qui l'accompagnent et les lieux qu'il visite.
Au final cela donne un style très « rentre-dedans » et plutôt fluide mais qui manque cruellement de descriptions. Ce qui a pour conséquence de rendre l'univers dans lequel évolue la compagnie opaque et difficile à imaginer (défaut corrigé dans le tome 2).
À la fois profond, mature et non-manichéen, la compagnie noire se révèle, après un début peu engageant et laborieux, un livre d'une richesse et d'une qualité indéniable.
L'agressivité du style de l'auteur et la galerie de personnages bardés de défauts mais crédibles que propose le livre font de cette œuvre quelque chose de rafraîchissant et d'unique en son genre.
Pour les fans de Dark fantasy ou pour les amateurs de l'imaginaire, ce livre (et plus largement le cycle du « Livre du nord ») est un immanquable.