Je me mets à lire tous les Rougon-Macquart et si la fortune des Rougon avait certes des bons moments, mais avait fini par me lasser, ce n'est pas du tout le cas ici. La curée, livre dont j'ignorais l'existence avant de l'entamer fait très fort.
En fait j'adore le contexte, le début de l'Empire et le fait qu'on suivre un personnage ambitieux, qui ne rêve que se s'enrichir, mais qui a pris le mauvais parti, celui de la République, rend le tout encore plus intéressant. Parce qu'on a là quelqu'un qui est prêt à renier ses convictions pour réussir. On peut le dire c'est un salaud, mais pas un salaud manichéen, c'est un salaud profondément humain avec ses faiblesses. Mais puisqu'il est humain ça rend ses magouilles que plus révoltantes (et un peu jouissives il faut l'admettre), ce qui permet à Zola d'appuyer son propos. Parce que si j'ai bien compris la Curée, c'est Paris qui se fait tailler dans tous les sens par Napoléon III pour y ouvrir les grands boulevards haussmanniens. Curée auquel participe allègrement l'un des personnages principaux Aristide Rougon, renommé Saccard.
D'ailleurs le livre est vraiment bien construit. Si les changements d'époque m'avaient un peu déboussolés dans la fortune des Rougon, ici j'ai beaucoup aimé le fait qu'on commence à raconter l'histoire au milieu si j'ose dire. Cela permet de placer les enjeux, notamment au niveau de la romance incestueuse, puis de voir comment on en est arrivé là et offrir ensuite une conclusion à cette histoire.
Finalement Aristide semble quasiment effacé de son propre livre après quelques chapitres, on suit plus son fils Maxime qui courtise sa belle mère. Et j'ai trouvé ça parfait, voir au fil des pages la tension sexuelle monter, voir le désir monter... Alors qu'on sait tout de suite ce qu'il risque de se passer, ça a un côté absolument délectable. Disons que ça se lit avec un immense sourire.
Alors tout ça est forcément tragique, mais tout le corps du bouquin, entre l’ascension d'Aristide grâce à quelques magouilles et un bon mariage, Paris qui se fait tailler et cette romance impossible Zola arrive vraiment à son but, critiquer le second Empire, et à donner vie à cette époque qu'il n'aime pas. C'est un livre qui se savoure. Et si je n'ai pas nécessairement été subjugué par la beauté de la langue, le plaisir de la lecture est là, puisqu'il y a tout... l'amour, le drame et surtout le tragique.
Vraiment le personnage de Renée, la manière avec laquelle il est décrit, sa manière d’interagir avec le monde et avec Maxime, le fils d'Aristide, ça m'a comblé de bonheur. Et moi qui était plutôt dubitatif sur le fait de lire les Rougon-Macquart, me voilà pris au jeu et j'espère qu'on aura d'autres personnages comme ça, d'autres émotions et d'autres descriptions du second Empire.