Deuxième épisode des Rougon-Macquart, on retrouve ici Aristide qu'on avait quitté en journaleux un peu dindon de la farce ici transformé en spéculateur avisé et sans scrupule. Transformation un peu étonnante mais soit. Grace au succès de son frère Eugène, il a accès aux plans des travaux d'Haussmann, qui vont lui permettre de s'enrichir aux dépends des finances publiques, en achetant des immeubles voués à la destruction pour les revendre à prix d'or lors de l'expropriation.
La fortune est faite pour celui qui à l'issu d'un heureux mariage est devenu Arisitide Saccard, hélas même lorsqu'il gagne la mise, il ne peut s'empêcher de la doubler pour le coup suivant dans une étrange martingale compulsive. Sa femme et son fils ayant également pour seule ambition d'arroser Paris de leur argent, le voilà embarqué dans une course sans fin à l'arnaque, ne devant son crédit qu'à la seule importance de ses débits.
Zola nous livre ici le récit d'une administration corrompue, d'une haute société qui fait tout à la fois pour garder le peuple dans l'ignorance de cette spoliation, mais qui n'hésite pas en son sein à se marcher aussi allègrement sur la tronche pour remporter le plus gros morceau, de cet étrange dépeçage.
Les personnages sont moins nombreux que dans la fortune des Rougon, où en tout cas moins traités en profondeur en grand nombre, on passe ici énormément de temps avec les trois membres de cette famille recomposée, et avant tout avec la femme Renée, à la fois victime de son ennui bourgeois de femme qui possède tout, mais aussi victime de son propre mari qui ne la considère au mieux que comme un actif dans son livre de compte.
Zola se veut encore une fois un peu sociologue, ne nous épargnant aucune description, aucun méandre de la pensée de Renée, ce qui sur certains passages traînent un peu en longueur je dois le dire. Mais la plume est toujours aussi habile, malgré certains de ces temps faibles, on ne peut qu'apprécier l'ensemble du récit. Le dernier bal particulièrement m'a interpellé, la monté en folie de la soirée avec son cotillon (sorte de Jacques à dit de la valse), formant un étrange parallèle très cinématographique avec celle de Renée.
Un livre étonnant, à la fois très détaché et réaliste sur les abus du pouvoir, mais aussi très lyrique sur les affres de cette bourgeoise sacrifiée.