Ma condition d'étudiante en lettres qui m'y a obligée, obligation qui s'est au final transformée en un engouement absolu. Le véritable premier Balzac que je lis de ma vie (et donc de ma licence, dois-je avoir honte ?), et j'ai adoré. Honoré donne toute sa plume dans cette passion amoureuse, cette expression du sentiment est superbe, et entraînante.

Le début du livre peut paraître longuet puisqu'il nous entraîne dans une situation qu'on ne comprend pas : un monsieur, dont on ne sait rien, si ce n'est que ça fait longtemps qu'il cherche quelque chose, paraît content d'avoir trouvé une nonne dans un couvent isolé espagnol. Une entrevue qui semble déchirante entre les deux personnages nous met l'eau à la bouche : mais elle est où la duchesse de Langeaiiiis ? Et qui sont ces gens ? Et pourquoi on en arrive là ? Et comment ?
Et bim, d'un coup, Balzac répond à nos questions : flash-back, ou pour les plus littéraires, analepse : on plonge dans le passé commun de nos personnages, pour comprendre leur histoire, qu'on sait douloureuse en plus, puisque le début du roman nous confirme que cette histoire d'amour n'aura pas de happy end. Armand de Montriveau, général, et Antoinette de Langeais (duchesse, donc), tombent passionnément amoureux. Mais ce n'est pas aussi simple, loin de là : car d'une, Antoinette est mariée, (même si cela semble être un argument mineur) et de deux, la coquine aime à se faire désirer, et prend donc plaisir à jouer avec ce pauvre Armand, qui l'aime d'amour comme de chair fraîche, et dont la patience va décliner tout au long du roman, qui le fera devenir menaçant ("Ne touchez pas la hache", étant le titre original de l'oeuvre), voire violent à l'égard de sa belle.
Puis les sentiments s'enrayent, deviennent mal compris, et, au final, incompris : la passion les a détruit, ne reste que l'espoir. Duperie, désir ardent, flatteries, jalousie, colère, désir, désinterêt, désespoir.
« Acier contre acier nous verrons quel coeur sera le plus tranchant. »

Ce qui nous ramène à la situation actuelle : Antoinette, la merveilleuse duchesse, devenue proscrite dans son couvent, car elle ne pouvait supporter d'être séparée de son amant-qui-ne-veut-plus-d'elle-parce-qu'il-en-a-marre-d'être-mené-en-bateau, et donc Armand, qui a sillonné la future-Europe pendant cinq ans, pour retrouver la femme de sa vie.
Le grand 'truc' de ce roman, c'est la passion, qui détruit les êtres alors que pourtant, oui, ils s'aiment, mais c'est leur passion enflammée qui va venir les ronger, une passion et un désir ardents, qui les consomme, et c'est terriblement prenant. Certes, le roman est alourdi par de trèès longues descriptions sur le Paris du XIXème, mais au final, c'est pas si grave (on saute les pages à la limite), ce qui se passe entre nos deux personnages est le plus important. De plus, l'ami Balzac décrit tout ce tourbillon de sentiments avec un phrasé, une approche parfaits, qui nous fait prendre parti et adhérer aux personnages (si vous voulez mon avis je suis pro-Armand)
« Madame la Duchesse, je suis au désespoir que Dieu n'ait pas inventé pour la femme une autre façon de confirmer le don de son coeur que d'y ajouter celui de sa personne ».

En s'y intéressant de plus près, on découvre que Balzac s'est inspiré de sa propre vie, puisqu'il s'est profondément épris d'une duchesse (oh ?), qui l'a laissé des mois durant espérer et espérer, pour au final le jeter comme un malheureux. Je trouve que ça apporte plus de valeur encore à ce récit d'une vanité blessée, d'un amour empiété par la condition humaine, ce manque, cette carence sur laquelle on n'arrive jamais à mettre le doigt et qui plonge les personnages dans un abîme sans issue de secours. Parce que, qu'on se le dise, le couvent n'est pas une issue de secours.
TPPT
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les lectures forcées et finalement adorées et Les meilleures histoires d’amour dans la littérature

Créée

le 9 nov. 2014

Critique lue 1.3K fois

7 j'aime

8 commentaires

TPPT

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

7
8

D'autres avis sur La Duchesse de Langeais

La Duchesse de Langeais
fleurblanche234
9

La Parisienne dans son boudoir comme le general sur le chemin du desert

Ce petit roman presente un tableau social de l'epoque en ses contradictions de jeux de miroir. Fait de zeugmas et de chiasmes. Balzac...Moliere...Rabelais peut-etre Un extrait suffit: **Texte en...

le 1 oct. 2016

13 j'aime

23

La Duchesse de Langeais
Kaitox
3

Balzac, mais qu'as-tu créé ?!

Que dire de ce livre ... Franchement incroyable ... Comment ce livre peut-il être aussi reconnu ? Je respecte Balzac qui est un grand auteur mais il y a un moment ou l'abus doit prendre fin .....

le 19 mai 2012

9 j'aime

1

La Duchesse de Langeais
TPPT
8

Je t'aime, moi non plus

Ma condition d'étudiante en lettres qui m'y a obligée, obligation qui s'est au final transformée en un engouement absolu. Le véritable premier Balzac que je lis de ma vie (et donc de ma licence,...

Par

le 9 nov. 2014

7 j'aime

8

Du même critique

La Chasse
TPPT
9

« Ton cerveau essaie d’oublier, mais tu sais, c’est vraiment arrivé. »

Oh là là ce film. L’histoire a rarement aussi bien été exploitée au cinéma, et Vinterberg s’en tire avec une virtuosité exquise qui m’a laissée hagarde, le cœur battant à la chamade à la toute...

Par

le 26 mars 2014

15 j'aime

4

Paris, Texas
TPPT
10

« J'entends vibrer ta voix dans tous les bruits du monde »

En sortant du cinéma où nous avions vu Call me by your name, ma voisine, abasourdie par ce film se tourne vers moi et déclare « Je pense que c’est la plus belle histoire d’amour que j’ai vue au...

Par

le 15 févr. 2018

14 j'aime

4

Capitale de la douleur
TPPT
10

" Il nous faut peu de mots pour exprimer l’essentiel "

« La poésie d’Eluard est simplement merveilleuse, et si le mot n’avait quelque chose d’inconvenant à l’égard de l’homme que l’on sait, nous la dirions miraculeuse. Elle est inséparable de la...

Par

le 26 août 2014

11 j'aime