Un classique de la philosophie qui a joué un rôle fondateur dans le développement de la pensée libérale, de Hume à Adam Smith en passant par Voltaire. Mandeville, écrivain proche du courant mercantiliste et par ailleurs traducteur anglais des Fables de la Fontaine, s’est vu tour à tout accusé de sophisme et de déisme par des contradicteurs aussi prestigieux que Berkeley ou Hutcheson. Il est vrai qu’à lire sa fable, parue pour la première fois en 1714, on se demande parfois si on a affaire à une satire de la société ou de la vertu, à une apologie cynique de ce qu’on appellera plus tard le système capitaliste ou au contraire à l’expression d’un moralisme réprobateur de type conservateur. La première hypothèse s’impose rapidement, notamment à la lecture du texte en prose qui suit la fable, les "Recherches sur l’origine de la vertu morale", dans lequel l’auteur explique que « les vertus morales sont la progéniture politique que la flatterie et l’orgueil ont engendré à eux deux ».


Mandeville nous plonge dans la vie d’une ruche, métaphore de la cité humaine, vivant sous une monarchie et dans le culte des anciens dieux romains. Pointant du doigt les dysfonctionnements de cette ruche, les malversations des avocats, des médecins, des prêtres, des ministres, des courtisans, les injustices flagrantes et l’escroquerie généralisée, il montre pourtant que ces désordres particuliers concourent à un ordre général et que ce sont les vices privés qui produisent la prospérité collective. « C’est ainsi que, chaque partie étant pleine de vice, le tout était cependant un paradis. » La conversion des abeilles à l’honnêteté, dans la seconde partie de la fable, aura les plus funestes conséquences : faillite des tribunaux, fin de la prospérité, dépérissement de la consommation, chômage, dépeuplement de la ruche. « Seuls les fous veulent rendre honnête une grande ruche. […] Si un peuple veut être grand, le vice est aussi nécessaire à l’Etat que la faim l’est pour le faire manger. » Selon Mandeville (pour qui l’altruisme est une abstraction et l’intérêt un moteur universel), les législateurs se sont toujours appuyés sur l’orgueil des hommes pour manœuvrer les sociétés. Une vision du monde qui ne dépaysera pas le lecteur contemporain, habitué aux principes de cette anthropologie libérale qu’il voit tous les jours à l’œuvre.

David_L_Epée
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le 17 nov. 2015

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