Quand Barjavel se lance dans l'essai, cela donne un résultat pour le moins étrange... Lui qui sait si bien raconter, qui nous emmène volontiers dans des voyages remplies d'idées, le voilà qui se perd un peu. Sur la forme d'abord : le style est trop appuyé, trop exagéré, l'auteur usant et abusant de tournures conférant un rendu quasi "prose poétique" à l'ensemble, ce qui ne fonctionne pas vraiment. On al'impression qu'il se regarde écrire, et nous oblige à regarder avec lui. Ce n'est pas désagréable, mais cela ne marche pas, ne s'accorde pas avec le sérieux du fond.
Le fond est d'ailleurs problématique lui aussi. Si l'on retrouve quelques idées intéressantes, quelques intuitions visionnaires (il énonce peu ou prou la théorie du gène égoïste 10 ans avant sa formulation officielle, par exemple), quelques questionnements métaphysiques... tout reste assez superficiel. Barjavel s'émerveille de la complexité de la nature et en déduit l'existence d'un principe créateur, probablement bien différent de ce que nous vendent les religions. Soit. Mais il ne va pas beaucoup plus loin, et se contente de se paraphraser tout le long du livre. Sans parler du fait que le sujet est déjà traité par des dizaines d'auteurs plus fins, et ce depuis plus de 2000 ans.
La Faim du Tigre ressemble malheureusement plus à un exercice de style basé sur quelque réflexion métaphysique qu'à un véritable essai, une véritable présentation de pensée. Dommage.