Dans ce cinquième volet des Rougon-Macquart, on retrouve Serge Mouret, déjà apparu dans La Conquête de Plassans, qui vit avec sa sœur Désirée, restée enfant dans le corps d'une grande fille...
Serge Mouret est devenu prêtre d'une paroisse de 150 habitants, tous descendants d'un même ancêtre. Il y fait des offices devant des rangées entièrement vides et la plupart du temps marie des couples juste parce que la fille est enceinte. Mais il n'en a rien à faire, son trip, c'est d'être un amoureux de la Vierge. Un jour, un délire autour de cette dernière achève de le faire tomber dans une longue et grave maladie. Il est soigné par Albine, qui vit dans un lieu où il y a un jardin immense et vierge, le Paradou. Et dans celui-ci, il y aurait un arbre mystérieux...
L'ensemble est divisé en trois parties. Je ne vais pas trop en dire de la dernière d'entre elles.
En ce qui concerne la première partie, où le quotidien de notre prêtre, avec moult détails sur les offices religieux et les objets qui y sont employés (me permettant de réviser mon vocabulaire dans ce domaine au passage !), face à des ouailles totalement indifférentes, est intéressante. On y reçoit le naturalisme à la Zola en pleine poire.
Ensuite, il y a une rupture à ce niveau-là, car dans la deuxième partie, l'auteur s'essaye à autre chose. Et pourquoi pas. Utiliser les références bibliques (Paradou = Jardin d'Éden, pas besoin d'avoir un doctorat en théologie pour comprendre cela !), faire évoluer le naturalisme vers une sorte de sublime, donner l'impression que les deux protagonistes Mouret et Albine sont hors de ce monde.
Dans cette optique, il y a des pages et des pages et des pages et des pages nous contant par le menu détail le jardin. J'ai parfaitement saisi que la vivacité et la flamboyance caractérisant ses fameuses longues descriptions n'ont pas lieu d'être ici, car il s'agit d'insuffler comme un temps suspendu. Mais, par contre, la mièvrerie qui en ressort sporadiquement (pas seulement des personnages, ce qui aurait pu être une bonne raison, mais de l'écriture, de la narration omnisciente !) n'a pas de justification. C'est décevant de la part d'un aussi grand auteur de tomber dedans. Heureusement que le brutal et inévitable retour à la dure réalité produit des pages qui sont réussies et percutantes.
La troisième partie, où le protagoniste devra choisir entre la vie et une sorte de mort, est aussi puissante que la première.
Je note aussi un personnage bien détestable, comme seul Emile Zola savait si magistralement les croquer, à savoir le frère Archangias, religieux intolérant, brutal et furieusement misogyne. Un candidat sérieux pour le peloton de tête des plus grosses enflures du cycle Rougon-Marquart, malgré une féroce et abondante concurrence.
Bon, pour conclure, La Faute de l'Abbé Mouret, par son sentimentalisme un peu lourd en son centre, n'atteint pas selon moi les sommets de l'auteur. Au fond, il est largement bien meilleur quand il reste naturaliste. C'est sa limite et sa grandeur.