Avec Le Lièvre de Vatanen, La Forêt des renards pendus fait partie des romans les plus connus de l’auteur finlandais Arto Paasilinna. Il eut droit à un film dès 1986 en Finlande et fut même adapté en BD par le français Nicolas Dumontheil en 2016. Je vous la recommande.
Arto Paasilinna a toujours apprécié les personnages un peu décalés, parfois rugueux. Des marginaux que nous ne découvrirons pas vivre une histoire d’amour autour d’un cupcake. Dans celui-ci Rafael Jutunen introduit le récit, c’est un petit malfrat qui vit la belle vie, mais ses complices vont sortir de prison, et Jutunen ne veut pas partager le gâteau, de beaux lingots d’or qu’il garde avec lui depuis longtemps. Il décide donc de s’installer dans une cabane dans les bois. Une manœuvre militaire qui demandait à occuper les lieux se fait jeter dehors par Rafael. Ce civil agressif et réfractaire à l’autorité militaire attire l’attention du major Remes, chef des formations, qui s’encroûte dans sa vie de soldat médiocre. La picole lui sert à tenir. Mais quand on lui annonce qu’un homme isolé a fait fuir une patrouille, il décide d’aller voit cet individu, Rafael Jutunen qui aimerait bien qu’on le laisse tranquille.
Les deux hommes décident de cohabiter ensemble, l’un et l’autre pour garder l’oeil sur l’autre. Ils vont décider de chercher de l’or pour tuer le temps. Bien sur, Jutunen en a des stocks et prétend en dénicher facilement tandis qu’il se moque des échecs du major, ce qui, une fois la supercherie dévoilée manquera de peu de se terminer dans le sang. Jutunen décide donc de payer le major, qui a pris un congé, pour l’aider à subvenir à ses besoins. Tous deux vont donc se construire un petit nid douillet, tandis que Naska, une vieille femme, poursuivie par des personnes qui veulent la mettre en maison de retraite, va s’inviter à son tour dans cette cabane.
Ils sont mignons. Jutunen a un poil dans la main, mais il est méfiant et rusé, et c’est lui qui a les cordons de la bourse. Il envoie régulièrement Remes en ville s’acheter quelques commodités, il en revient toujours avec trop, comme cette baignoire qui sera bien difficile à emmener jusqu’à destination. Major Remes est un être simple, un peu brute, au sang chaud et à l’alcool chaud aussi, mais cette retraite dans les bois lui fait un bien fou, bien qu’il grogne un peu de se voir attribuer des ordres. Naska est une charmante vieille dame, la plus vieille de son ethnie qu’on lui a dit avant de vouloir l’emmener. Elle s’opposera vivement à ses deux hommes des bois, avant qu’ils ne l’acceptent. Elle est aux petits soins pour eux, mais son côté ingénu lui joue des tours, comme avec ses prostitués commandées un soir de beuverie par Remes et qu’elle va prendre pour leurs femmes. Toute cette belle équipe va apprendre à vivre ensemble, mais aussi s’entraider, et s’apprécier, forgeant des liens forts.
Dans Le lièvre de Vatanen, Vatanen explorait la nature, d’un point à l’autre, d’une aventure à une autre. Ici, le trio se regroupe au sein d’une cabane isolée, mais l’environnement extérieur est important, ces grands bois, ces grandes étendues de neige mais aussi sa faune, à l’image de ces renards trop nombreux aux alentours, à l’exception amicale d’un renard apprivoisé jamais bien loin. Cet emplacement leur permet d’ailleurs de se rapprocher, eux dont les relations sociales étaient bien pauvres apparemment. Fuir leur civilisation leur offre de nouvelles portes. Dans la forêt, habituelle lisière des sociétés, ces êtres marginaux se récréent une nouvelle vie.
Bien sûr, fidèle à ses habitudes, Arto Paasilinna en profite pour égratigner quelques comportements humains, à l’image de l’opportunisme de Jutunen, de la vie professionnelle ou sentimentale de Remes sans éclats ou bien de ses personnes âgées placées de force dans une maison de retraite. Il le fait avec le décalage qui est sa marque de fabrique, cette ironie légère, le comique de certains comportements humains.
Avec cette écriture qui est la sienne, un peu plate mais tout de même cocasse, avec des personnages hauts en couleurs dans des paysages qui le sont autant, Arto Paasilinna écrit une belle histoire d’amitié, attachante et amusante. La Forêt des renards pendus est un roman qui n’a pas besoin de tartiner de grosses cuillerées d’émotion, tout est dans une certaine retenue, un équilibre finement travaillé.