"La Forêt Sombre", deuxième tome de la trilogie du "Problème à trois corps", est un phénomène incontournable de la science-fiction contemporaine. Cette série marque une empreinte indélébile dans le genre, et pourtant, ce deuxième opus offre une expérience de lecture paradoxale : à la fois pénible et éblouissante.
Dès les premières pages, le lecteur est confronté à une prose qui traîne en longueur. L'introduction, avec ses fourmis sur une pierre tombale, symbolise cette poésie pesante et parfois maladroite (en plus d'être complétement con, j'ai lu Werber et il me semble qu'une fourmi ne peut pas avoir conscience d'avoir tracé une lettre d'alphabet en marchant mais bon...) qui imprègne toute la première moitié du roman. Une lenteur narrative qui, avouons-le, peut en décourager plus d'un.
Un début laborieux et des incohérences dérangeantes :
- La première moitié du livre est interminable. Elle se traîne avec des descriptions et des personnages qui testent la patience du lecteur. on navigue littérallement dans un rêve d'incel qui se la jouerait bisounours.
- Techniquement aussi, on rencontre des incohérences narratives et des personnages mal écrits. Par exemple, des éléments comme la nana ou la maison rêvées qui se révèlent réels sans explication convaincante. Des effets d'annonce comme ça demandent des preuves proportionnelles à leur incroyabilité pour que le lecteur puisse adhérer, et ici, elles sont absentes. Typiquement, un des concepts forts, ceux de Colmateurs / Fissureurs, j'avoue j'achete pas. Pas comme ça. Alors qu'un Frank Herbert je suis certain m'aurait fait marché dans ce truc boiteux.
- La représentation des femmes est aussi problématique. Chaque fois qu'une femme apparaît, elle est décrite en termes de beauté physique de manière souvent superficielle et sexiste.
Et pourtant, la magie opère :
Malgré ces défauts, "La Forêt Sombre" éblouit par la richesse de ses idées.
En un seul tome, Liu Cixin propose plus de concepts de science-fiction et de paradigmes novateurs que bien des œuvres entières d'autres auteurs du genre. Le principe de "la forêt sombre" comme réponse au paradoxe de Fermi en est un exemple brillant. Ce concept a d'ailleurs été repris par José Rodrigues dos Santos dans "Signes de Vie", témoignant de l'impact de Liu Cixin.
Liu Cixin excelle également dans les moments de bravoure. Après, à mi parcours, un début futuriste quelque peu ridicule (pour le coup on est pas si loin d'un Do Santos) rappelant "Futurama", le roman propose une phase de space opera grandiose et palpitante. Ces scènes épiques, pleines d'intensité et de magnificence, prennent aux tripes et rappellent la grandeur de la science-fiction.
"La Forêt Sombre" est donc ambivalent plus que paradoxal.
D'un côté, une narration laborieuse et des stéréotypes désuets ; de l'autre, une explosion d'idées et de concepts révolutionnaires. En recommandant ce livre, on célèbre la formidable profusion d'idées nouvelles et l'excitation intellectuelle qu'il procure. En même temps, on ne peut ignorer les traces d'une époque où l'écriture lourde et la male gaze n'étaient pas encore questionnées.