<On enseignait à ces jeunes gens que l’Église n'avait jamais été rien d'autre qu'un instrument d'oppression, et que le but et la tâche des prêtres, c'était de nouer sur les yeux du peuple le noir bandeau de l'ignorance, tout en lui chantant des fables, infernales ou paradisiaques.
La mauvaise foi des "curés" était d'ailleurs prouvée par l'usage du latin, langue mystérieuse, et qui avait, pour les fidèles ignorants, la vertu perfide des formules magiques.
La papauté était dignement représentée par les deux Borgia, et les rois n'étaient pas mieux traités que les papes : ces tyrans libidineux ne s'occupaient guère que de leurs concubines quand ils ne jouaient pas au bilboquet ; pendant ce temps, leurs "suppôts" percevaient des impôts écrasants, qui atteignaient jusqu'à dix pour cent (sic) des revenus de la nation.
C'est-à-dire que les cours d'histoire étaient élégamment truqués dans le sens de la vérité républicaine.
Je n'en fais pas grief à la République : tous les manuels d'histoire du monde n'ont jamais été que des livrets de propagande au service des gouvernements.
Les normaliens frais émoulus étaient donc persuadés que la grande révolution avait été une époque idyllique, l'âge d'or de la générosité, et de la fraternité poussée jusqu'à la tendresse : en somme, une explosion de bonté.
Je ne sais pas comment on avait pu leur exposer – sans attirer leur attention – que ces anges laïques, après vingt mille assassinats suivis de vol, s'étaient entre-guillotinés eux-mêmes.
[…] Cependant, les études de ces normaliens ne se bornaient pas à l'anticléricalisme, et à l'histoire laïcisée. Il y avait un troisième ennemi du peuple, et qui n'était point dans le passé : c'était l'Alcool.
A la vue d'un verre de vin, ils faisaient une moue de dégoût. La terrasse des cafés, à l'heure de l'apéritif, leur paraissait une sorte de cimetière de suicidés. [...] Mais ce qu'ils haïssaient le plus farouchement, c'étaient les liqueurs dites "digestives", les Bénédictines et les Chartreuses, "avec privilège du Roy", qui réunissaient, dans une trinité atroce, l'Eglise, l'Alcool et la Royauté.>>
Marcel Pagnol.
Chigaliev
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 9 août 2012

Modifiée

le 15 août 2012

Critique lue 2.4K fois

14 j'aime

8 commentaires

Chigaliev

Écrit par

Critique lue 2.4K fois

14
8

D'autres avis sur La Gloire de mon père

La Gloire de mon père
Kliban
6

Trop de mise en scène ?

Assurément, c'est charmant, chantant, assaisonné de lumière et d'une pointe nostalgique comme un soupçon de thym dans un rôti, qui ne dévoile son goût qu'au hasard d'un lâcher-prise. Des images...

le 27 nov. 2010

10 j'aime

2

La Gloire de mon père
Gwen21
10

Critique de La Gloire de mon père par Gwen21

Quelle délectable madeleine de Proust que cette "Gloire de mon père" ! Non pas qu'il s'agisse d'une relecture mais, enfant, j'ai vu et revu les films réalisés par Yves Robert, et de plus, c'est un...

le 9 juin 2021

9 j'aime

La Gloire de mon père
Elivath
6

Quoi, Pagnol ?

Voilà un classique, La Gloire de mon père, de ce bon vieux Marcel, passé au moulinet de la canonisation, et du coup, imposé à une foultitude d’enfants par des enseignants-fouettards. Ils lisent...

le 19 nov. 2013

8 j'aime

Du même critique

Le Petit Héros
Chigaliev
8

Critique de Le Petit Héros par Chigaliev

Dostoïevski aimait beaucoup les enfants, il disait que l'âme et les secrets enfantins le passionnaient. Sa vie de "forçat littéraire" ne lui laissait pas le temps de s'occuper des enfants comme il...

le 17 mars 2012

16 j'aime

13

Pêcheur d'Islande
Chigaliev
10

Critique de Pêcheur d'Islande par Chigaliev

Malgré une aspiration à l'écriture Pierre Loti décide de prendre le large pour voyager dans le monde entier. Et c'est avec l'expérience du matelot et de la mer que Loti nous entraine dans les contrés...

le 20 avr. 2012

11 j'aime

7