Transposée sous le soleil du Sud-Ouest et 4 ans plus tard, "La grande épreuve" reprend l'assassinat du Père Hamel en son église, fin 2016.
L'écriture très accessible de Etienne de Montéty, le choix d'écrire des chapitres courts, permet de rentrer immédiatement dans le récit, qui laisse pourtant peu de suspens, le sujet et la fin du roman étant déjà révélée dans la quatrième de couverture du roman.
La grande épreuve est d'abord une histoire de personnes, du destin de quatre hommes et une femme qui ne se croisent qu' à la toute fin du récit.
L'auteur ne juge pas les personnages qui seront de futurs terroristes.
En revanche, l'imam radicalisé et manipulateur Hocine jouera un rôle majeur dans le passage à l'acte de Daoud. De même l'imam en prison fera une impression aussi profonde que mauvaise sur Hocine. Il y a un rapport de force, brièvement évoqué, entre cet islam extrémiste et l'islam modéré, celui de l'imam Hassan, celui des croyants qui répondront que le Djihad est d'abord intérieur. Chez les deux futurs bourreaux qui connaissent bien de choses de l'islam c'est le premier qui au fil des rencontres, produira une attirance plus grande.
Autre explication proposée discrètement à la radicalisation : la perte de sens de nos vies. Et c'est le grand coupable selon Montéty. L'individualisme, le consumérisme, tant méprisé par les deux garçons est aussi lié à la perte du sens du sacré, du transcendant chez chrétiens et musulmans, chez les Berteau (1). Etienne de Montéty montre de son coté une connaissance profonde de la Foi catholique et de l'Eglise.
Il y a également un certain réalisme dans la vie et surtout dans les pensées du père Tellier, dont les difficultés les doutes dans la Foi ne sont pas plus caché que la grandeur du Sacerdoce reçus. Ainsi cette vie racontée sans grandissement ne ressemble ni à un chemin de croix ni à une montée vers Jérusalem.
D'autres idéologies seront brièvement convoquées, la communisme militant des banlieues parisiennes des années 60, à travers le dévoué et bienveillant maire, ami du père Tellier, et il y a l'évocation de la folie meurtrière anticléricale au cours de la révolution française, complétant le pannel d'idéologies et de pensées prenant en charge toute l'humanité de ceux qui y adhérent (selon Montéty (2) )
Ce qui est constant dans le livre est la recherche d'absolu dans la religion, chacun des personnages religieux (le père Tellier, petite Sœur Agnès, les deux assassin), aspire a un absolu dans la Foi. C'est l'impression qu'il y a un absolu plus grand dans la violence extrémiste qui mènera à la radicalisation des enfants.
Et le seul héros agnostique fait preuve d'un don de lui-même exemplaire comme flic de la BRI, engagé presque par erreur puis rapidement par une conviction de servir admirable car discrète.
Enfin l'enquête approfondie de Montéty, ancien journaliste, sur les milieux djihadiste et le rappel et la datation précise de faits de sociétés (notamment le débat sur le burkini), termine d'ancrer en notre temps ce grand livre qui questionnera le rapport au sacré de chacun.
Note : La grande épreuve a reçu le prix du grand roman de l'académie française pour l'année 2020
(1) : Je n'ai donc pas la même lecture que Clara Dupond-Monod, pour qui la question du livre est comment l'intelligence des Berteau peut produire la bêtise du terrorisme. Je pense que Montéty veut montrer que c'est justement le mode de vie des Berteau, la perte du religieux et l'importance du matériel que Daoud rejette avec force.
https://www.youtube.com/watch?v=mTdZfzUCHqc
Pour aller plus loin :
(2) Interview de Etienne de Montéty pour les éditions stock, un peu moins de 50 minutes, où Etienne de Montéty explique la genèse du roman :
https://www.youtube.com/watch?v=gJMqMoSkNi4
Dans la même veine, une interview de Montéty sur France culture :
https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-culture/etienne-de-montety-grande-epreuve-grand-prix