La découverte des collapsars, sorte de trous de verre, a ouvert l’accès des étoiles à l’humanité. Elle les a aussi rapprochée d’une autre espèce intelligente, et le premier contact s’avère plutôt hostile. Ni une ni deux, les militaires se mettent en état de guerre et entraînent toute la planète avec elle. Sauf que les hommes n’ont aucune idée de ce qu’ils affrontent, et font face à un environnement hostile qu’ils ne maitrisent pas encore, et dont la moindre erreur peut être fatale. Pire encore, les distances incommensurables allongent considérablement la transmission des informations. Les hommes ne peuvent donc espérer aucun renfort, ni être alerté de l’arrivée des ennemis. Et lorsque la moindre mission prend plusieurs années (du point de vue terrien), la guerre se compte bientôt en décennies puis en siècles. De quoi faire passer la guerre de 14-18 pour un bref conflit, la guerre du Vietnam pour une bagarre de cours de récré…
Et justement la guerre du Vietnam est clairement l’influence majeure de l’auteur, Joe Haldeman, qui dénonce là toutes les absurdités du conflit. L’élite sélectionnée parmi les meilleurs éléments, envoyés comme chairs à canon mourir en masse ; des soldats qui se préparent dans un environnement chaud pour atterrir sur une planète gelée, des troupes qui débarquent sans avoir aucune idée de la mission qui les attendent ; des officiers qui n’en savent pas plus mais qui jouent les chefs autoritaires, menaçant les trouffions d’exécutions s’ils n’obéissent pas aux ordres ; des exercices de combat en situation réelle qui ajoutent de nouveaux morts à ceux déjà prélevé par un monde inhospitalier ; des assauts perdus d’avance faute de préparation suffisante. Et enfin des procédés inhumains pour recruter de nouvelles troupes et en faire de parfaits soldats : conditionnement sous hypnose pour inhiber toute empathie, mensonges leur promettant un poste loin du danger avant de les envoyer de nouveau au front…
Pendant ce temps sur Terre, le monde change. La population augmente, les denrées diminuent et deviennent le nouvel or rare au point d’en devenir la nouvelle monnaie. L’insécurité se propage, les grandes villes deviennent le théâtre de criminalités quotidiennes où les gens sont obligés d’être accompagnés de gardes du corps, tandis que les communautés agricoles sont la proie d’attaques meurtrières de gangs de jeunes. Quand ils reviennent, les survivants ne reconnaissent plus le monde qu’ils ont quitté. Un choc bien plus grand encore que les rescapés du Vietnam, car s’ils ne sont pas rejetés par les civils malgré leurs sacrifices, ils n’ont plus de repères. Comment alors trouver la force encore de se battre pour un monde qui nous est devenu étranger ?
Le héros se retrouve donc à revenir dans la bataille, blasé, pour une guerre dont il ne cherche même plus de sens.
A cause des distances élevées, les années, les décennies et même les siècles défilent. Toute l’économie de la Terre est désormais tournée vers la guerre, chaque être humain directement incorporé dans l’armée, chair à canon parmi tant d’autres et qui n’a aucun espoir de survivre au bout de quelques missions. Le spectre d’une guerre totale, sans fin, s’installe alors, prélevant toujours un peu plus son cortège de morts que rien ne semble pouvoir arrêter.
En plus de cette réflexion sur l’absurdité et les horreurs de la guerre, le livre est très agréable à suivre. On s’attache aux personnages, le rythme est soutenu (malgré quelques longueurs lors du retour sur Terre), les passages de combat sont prenants. Les détails scientifiques rendent l’histoire crédible. L’évolution technologique des 2 camps est également intéressante, chaque innovation poussant l’ennemi à s’adapter, dans une course aux armements incessante pour ne pas être écrasé. Ainsi lorsque les humains développent un appareil pour empêcher les armes à haute vélocité de fonctionner, les aliens sont alors contraints d’attaquer avec des armes rudimentaires pour détruire l’appareil, obligeant du même coup les soldats humains à s’entrainer aux armes blanches, épées et boucliers, leurs armes à distance ne fonctionnant pas non plus.
Quelques reproches peuvent toutefois être faits. L’évolution de la Terre est assez curieuse, avec quelques idées assez douteuses, comme le coming out général des humains, poussés à devenir tous homo afin de réduire les naissances ! L’évolution de la société, devenue extrêmement violente, ne paraît ainsi pas très crédible, même si l’on peut y repérer des phénomènes bien connus (crises autour de la raréfaction des ressources).
Egalement la fin ressemble un peu trop à un « happy end» qui aurait pu être évité, car cela contraste avec la dureté et la noirceur du reste de l’histoire. Montrer un héros marqué à vie qui n’est pas sûr de pouvoir se reconstruire aurait été plus approprié à mon sens.
Quelques travers qui n’empêchent pas le livre de constituer une référence en science-fiction, très intéressant et en plus agréable à lire.