Il n'y a que trop longtemps que je n'aie plus pris de temps, accordé mon temps et mon esprit dans la lecture d'un livre. Avec empathie, passion, je me suis laissé porter par les vents du roman d'Alain Damasio. C'est avec bonheur que je suis sorti de cette aventure. Je ne remercierai jamais assez les Imaginales de m'avoir, une fois de plus, fait croiser une route, une trace aussi précieuse. Mais il me faut d'abord préciser de quel ouvrage je vais parler. En effet, « La Horde du Contrevent » existe actuellement sous trois finitions. La première, celle dont je vais vous parler est composée de l'ouvrage paru chez la Volte accompagné d'un CD musical. Puis vint la seconde édition, chez Folio SF, après le grand prix de l'imaginaire 2006 décroché par ce roman dans la catégorie francophone. Et là, tout récemment, la version luxe vient de sortir à la Volte accompagnée d'un DVD.
Ce roman est la rencontre de trois personnages. Le premier est écrivain, c'est Alain Damasio. C'est un auteur sympathique, dynamique avec qui on a toujours beaucoup de plaisir à échanger. Alain est quelqu'un de rare. Doué pour son art, il sait donner à ses mots le sens, le rythme qui collent au mieux aux mondes et aux êtres qu'il décrit. Je n'ai encore jamais rencontré un talent de cette envergure. Déjà que je n'appréciais pas ceux qu'on estampillait de classiques, maintenant j'ai un nom à donner pour faire ravaler leur morgue aux défenseurs d'une littérature qui méprise tous les autres courants littéraires. Mais passons, l'essentiel est qu'Alain Damasio est un génie.
Et puis il y a Mathias Echenay qui a créé la maison d'éditions la Volte pour qu'Alain Damasio puisse voir son projet se réaliser. Depuis la Volte a fait bien d'autres expériences et réuni bien d'autres talents. C'est aujourd'hui une maison d'édition qui reste à part dans sa manière de traiter les ouvrages en leur joignant la plupart du temps un autre support que le simple, mais précieux, papier. Il faut s'avoir que pour « la Horde du Contrevent » des normes typographiques ont été mises de côté pour que l'ouvrage soit partie prenante de l'univers. Ainsi, la numérotation des pages est décroissante, la ponctuation du vent s'insinue dans les lignes, sans parler des symboles d'entame des paragraphes qui donnent la parole aux différents membres de la Horde. Un travail fabuleux.
Finalement le troisième s'appelle Arno Alyvan. Sur les paroles d'Alain Damasio il a conçu un CD musical qui est une extension de plus à l'univers de la Horde. J'ai bien tenté de l'écouter au début de ma lecture, ca m'est apparu étrange, sans plus. A mi-lecture, j'y ai trouvé plus de sens. Et maintenant que je suis arrivé en fin de trace, c'est un souffle, un monde qui prend forme et donne une dimension nouvelle à ma lecture. Le CD est un complément qui prolonge l'aventure de façon bien agréable.
Maintenant, il convient d'aborder l'histoire de « La horde du Contrevent ». La Horde est composée de 23 individus. Il y a Arval l'éclaireur, Golgoth le traceur, Caracole le troubadour, Sov le scribe, Pietro le prince, Erg le combattant-protecteur, Darbon le fauconnier, Aoi la cueilleuse, et tous les autres. Je ne puis vous en parler car, c'est là l'art de Damasio, ils ont tous leur personnalité bien marquée et leur façon de s'exprimer qui leur est propre. Rien d'aseptisé ici. La Horde est là pour contrer. C'est la 34ème Horde qui remonte les vents du monde. En pleine face et à pied, c'est l'honneur de la Horde que de remonter vers l'Extrême-amont qu'aucune autre Horde n'a encore atteint avant eux. Remonter vers la source des vents qui lacèrent le monde, telle est leur mission.
Depuis l'enfance, ils ont été sélectionnés, entraînés et avancent dans le vent. Le vent à neuf formes. De la brise légère au furvent, jusqu'au crivetz ou à la huitième force qui vous lacère la peau jusqu'à l'os ou vous glace et vous éparpille en paillette. Même les dernières formes seront une découverte pour la Horde. Ils devront se battre contre les vents, les émissaires d'un Hordre qui voudront les empêcher d'arriver à leur but. Certains n'arriveront pas au bout de l'aventure, d'autres se révéleront sous leur vrai jour. Leur principal adversaire, comme dans la vie, ce sera eux-mêmes. La révélation finale est superbe et pourtant classique. La création de vocabulaire, la forme du récit qui repose par le seul témoignage des différents membres de la Horde, la dureté du monde et la ténacité de ces hommes et de ces femmes qui remontent le vent quoiqu'il leur en coûte font de ce roman quelque chose de différent, d'indescriptible et pourtant on sent bien qu'on a affaire ici à un tournant dans l'art littéraire. Une rencontre fabuleuse et un récit éprouvant dont on ne sort pas indemne mais que, pour rien au monde, il ne faudrait pas vivre.
Pour comprendre ce monde de vents, pour intégrer le vif, ce souffle qui est une part essentielle de la vie-même et qui les pousse à avancer, pas à pas, vers l'origine du monde, pour se faire une petite idée du monde du Contrevent et du travail de titan qu'Alain Damasio abattit durant les trois années de sa rédaction dans une solitude choisie, quelque part en Corse, je ne puis que vous recommander de visiter le site dédié à l'ouvrage :
http://www.lahordeducontrevent.org/
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