Dès que La Horde commence, je sais qu'un livre unique démarre. Une expérience. Des signes de ponctuation muent en glyphes, puis mots, puis phrases. Les pages défilent à l'envers, comme cette expédition qui lutte contre un souffle plus puissant à chaque chapitre, à la recherche de ce qui se cache à l'Extrême-Amont, à la source de ce vent devenu dieu.
Vingt-trois personnages, presque autant de points de vue, chacun avec la poésie parfois dure, parfois lubrique, parfois sylvestre de leurs pensées. Damasio prend plaisir à jouer avec la langue, devenant tour-à-tour le Goth bourru-sque, le troubadour Caracolant, le philoSov et la mystique Oroshi. Il fouille dans les dictionnaires pour trouver les formes des rafales et leurs effets sur les corps et les esprits, invente les mots qui manquent au récit.
Que dit la Horde du monde ? Que dit le Vent ? S'agit-il d'une épopée politique contre l'Hordre et le système ? D'une réécriture du mythe de Sisyphe pour témoigner de la vacuité du sens ? D'un appel à l'unité quand souffle l’ouragan de l'adversité ? Rien n'est à la fois très clair, ni pour moi ni pour les personnages. Mais, au fil des mots, se dessine la cosmogonie du Vent et du Contrevent.
Je me posai mille questions quand les ultimes chapitres amenèrent dans leur souffle les effluves d'une autre théorie. Et si la Horde était l'artiste, le contrevent les doutes qui l'habitent ?
Puis, tout revint au départ et la dernière ligne me demanda : La Horde du Contrevent se lit-il à l'envers, de droite vers la gauche, d'est vers l'ouest ? Alors, les phrases qui apparaissent sur les premières pages s'effacent pour ne laisser que quelques signes de ponctuation perdus dans le blanc des feuilles. Le vent a soufflé les mots. Ne reste que cette impression vif-scérale d'avoir vécu avec la Horde pendant tout ce temp-ête, d'avoir affronté les furvents ensemble avec l'o-rage de résister et d’avancer, et d'avoir bouclé le cycl-one.