En un livre, tout un univers, minutieusement construit, élaboré de grains de sable. La Horde du contrevent n'est pas un livre facile à lire, aucune peine n'est épargnée au lecteur; aucune explication ne lui est proposée quand il se lance. La Horde du Contrevent a un air de 2001 l'Odyssée de l'espace; il doit être lu au bon moment au risque de passer à côté. Beaucoup de critiques le déclare prétentieux, et peut-être est-ce le cas mais c'est surtout un travail d'élaboration époustouflant où chaque personnage a sa prose propre. Chaque narrateur permet de comprendre un nouveau point de vue sur la Horde, sur son rôle. La Horde c'est avant tout une quête, une quête de vie dans laquelle chacun est lié aux autres, où perdre quelqu'un c'est perdre l'équilibre. Quelle recherche? Pourquoi parcourir le monde à pied? Quel intérêt de souffrir autant? La curiosité scientifique de certains côtoient l'appétit affectif des autres. Oroshi dira que peu importe le but, tant qu'il y a le chemin. Et quel chemin.
/ Spoilers/
La fin, attendue, reste un crève coeur. Des vies passées, perdues, pour quel résultat? L'espoir d'un Extrême Amont, finalement du Paradis parce que les humains en sont toujours là, à espérer, à vouloir donner un sens à leur vie. L'orgueil de Golgoth veut qu'il soit le premier, le seul, à aller jusqu'au bout de la terre, pour découvrir que le 6ème Golgoth avait déjà terminé cette quête dans l'ignorance du reste du monde; c'est savoir qu'une Horde va recommencer après la sienne, puis une autre, et une autre. Des sacrifiés sur l'autel de l'espoir qu'ils déclenchent et ravivent sur le reste de la planète qui vit dans l'illusion de pouvoir s'accrocher à quelque chose. L'extrême Amont c'est le désert, c'est la confrontation avec un monde naturel, qui n'exaucera aucun voeu, qui laissera ces quelques humains qui ont survécu face à eux-même, face à leur peur ou leur douleur les plus primitives. Qui les tuera pour la plupart. Et comment pourrait-il en être autrement? Quand la quête d'une seule vie est un échec, comment y survivre? Mais il y a Sov, Sov qui sera sauvé par l'amour et la confiance que lui porte certains personnages. Qui survivra par devoir, le devoir de mémoire. Qui survivra seul, égaré, avec une nouvelle fois l'espoir, l'espoir fou des hommes qui ne leur permet que de continuer à vivre quand il n'y a plus de raisons.
Et l'espoir du lecteur qui découvrira que oui, la terre est ronde (oh bon dieu!), et que Sov aura la responsabilité de faire des choix, dont celui d'annihiler les croyances par la connaissance. Pour la remplacer par quoi? Que deviendra le monde de cette Horde du Contrevent si le scribe dévoile les secrets de l'absence d'espoir possible?
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