J'aime, j'adore, j'adule la littérature de l'imaginaire, depuis toujours. Revers de la médaille, je suis devenue à son égard très (trop) exigeante, et intolérante face à son travers, la facilité et l'écriture de quai de gare. Même conseillée, j'aborde toujours une lecture dans ce genre littéraire avec scepticisme.
Dés les premières pages, j'ai compris que cette lecture là allait compter. Alain Damasio immerge avec une maitrise rare dans un récit qui laisse à peine respirer, il nous y propulse, et on n'a d'autre choix que de se laisser entrainer, de suivre, comme les autres, à marche forcée. Ia maitrise de l'auteur est rare, remarquable d'intelligence et surtout de finesse, faisant vivre chaque élément avec une acuité incroyable, sans jamais s'embourber. Il manie la langue avec brio et fluidité, et surtout il fait raisonner, donnant à son récit la force mais aussi la discrétion nécessaire pour que chacun y trouve ce qu'il est venu chercher. Par le récit, simple, évident, redoutable d'efficacité, qui emporte et s'impose, et laisse l'impression étrange d'une histoire mille fois racontée mais qu'on entend pourtant pour la première fois. mais surtout par le dialogue avec les voix que l'histoire fait naitre, et qui sont le véritable intérêt de tout ceci. Par ces voix l'histoire se multiplie, acquiert de la densité, du corp, de l'âme, et s'imprègne.
Qu'on devine ou non où l'auteur souhaite nous emmener, peu importe. Le twist ultime n'est là que pour boucler la boucle, de façon fluide et naturelle, comme le reste.
Mais la force de ce livre réside bien avant, au fil des pages, dans ce qu'il fait comme ce qu'il suggère : la création, la fugacité, le mouvement, le renouveau, le vertige. Peu importe qu'on ait déjà entendu cette histoire, qu'on en devine rapidement la fin, on comprend bien vite que l'important ici est ailleurs, à chaque page.
Pour apprécier ce livre il faut l'accepter, accepter ce qu'il nous donne et ce qu'il ne nous donne pas. Non il ne donnera pas toutes les clés. Personne ne vous les donnera jamais. Vous les trouverez vous-mêmes. Ou du moins vous essaierez. Mais pour ça il faut commencer à contrer.