Deuil pour deuil (1924) et La liberté ou l’amour ! (1927) se présentent comme deux récits poétiques qui s’inscrivent dans les expériences de la période surréaliste. La narration semble se disloquer, céder la place à des rêveries où des personnages hallucinés, le corsaire Sanglot ou Louise Lame en particulier, se rencontrent ou s’égarent. En fait, la succession d’images, la libre invention surréaliste qui permet de composer des tableaux fantasmagoriques rendent difficile l’identification claire d’une histoire, ce qui explique l’impression de vertige, de ravissement aussi, que le lecteur peut ressentir devant ces lignes qui imposent une position contemplative plutôt qu’une saisie intellectuelle du texte. Cette grande poésie visuelle suit, et perd parfois, le corsaire Sanglot dans une sorte d’aventure de l’imaginaire, vivant le naufrage jusque dans les abysses, rencontrant des sirènes belliqueuses ou traversant des forêts, - ou Paris.
Le merveilleux domine, transformant les paysages et les êtres, se métamorphosant selon les reflets changeants de l’imagination ; car la dimension métatextuelle suggère la présence du sujet qui se regarde écrire, assiste à la naissance de son imaginaire. En effet, un je qui revendique la paternité de l’œuvre et la conduite du récit superpose son désir à l’écriture, faisant de cette dernière le moyen de rencontrer une femme qu’il poursuit dans la fiction. Desnos s’inscrit ici dans la fascination surréaliste pour la femme, éveilleuse du désir, ce qui explique que l’objet du texte semble avant tout être une quête de l’amour, la recherche de la femme aimée, inconnue mais qui naîtrait de son invocation par l’écriture.
Il faut que dans une prose sensuelle j’exprime l’amour pour celle que j’aime.
L’onirisme se mêle alors à l’érotisme, réalisant la promesse du titre par la libération de l’amour qui brise les tabous. Il s’agit d’une revendication surréaliste expliquant la célébration de Sade, ou encore la présence d’une scène sadomasochiste.
Pourtant, l’amour n’est pas exempt d’inquiétude et la mort, que le narrateur cherche à congédier, s’immisce dans ses visions, ce qui explique les images obsédantes des funérailles, ou la violence omniprésente. Néanmoins, la mort est indissociable de la renaissance et les cadavres demeurent rarement inanimés, amenant une dimension davantage ludique où la vie apparaît comme un rêve kaléidoscopique. Le surréalisme joue alors sur le principe de renversement, d’associations inhabituelles, permettant, par exemple, à l’ennui de prendre les dimensions de l’éternité. Finalement, tout semble se confondre dans une célébration merveilleuse à l’amour, où les métamorphoses de l’imagination répondent à la poursuite de l’amoureuse idéale, absolue.