L’histoire débute dans un bureau de vote de la capitale. En ce dimanche pluvieux, le président de l’assemblée électorale, tout comme ses adjoints, se préparent à accueillir les votants qui tardent à se manifester. Viendront-ils ? Ne viendront-ils pas ?
Mise à part quelques membres de la famille des membres de l’assemblée et des rares personnes qui ont osé braver les intempéries, il n’y a pas foule dans les bureaux de vote.
D’ailleurs le résultat confirme les craintes du président ; un taux d’abstention remarquable.
C’est ainsi que le gouvernement en place, voulant donner une « seconde chance » aux citoyens et mettre fin aux railleries des gens de province, décide de les faire voter de nouveau. Erreur monumentale ! 83% de votes blancs.
Le gouvernement est dans tous ses états. Il enquête sur les causes de cette atteinte aux principes fondamentaux de la démocratie, il multiplie les interrogatoires, il envoie ses espions, il crie au complot et menace la population sans pour autant identifier la cible de ce « chaos ».
Se rendant compte de son échec et voulant punir cette cellule anarchique et les collaborateurs qui ont failli à leur mission et qui menacent la souveraineté de l’Etat, le gouvernement décide de s’en aller, tout simplement.
En compagnie des forces de l’ordre, des ministres, des députés et des conseillers, le chef de l’Etat décrète l’état de siège pour la capitale et part s’installer dans une autre ville sans pour autant lâcher sa cible imaginaire des yeux.
S’en suivent plusieurs tentatives de vengeance (grève des éboueurs, attentat dans un métro, rationnement des denrées alimentaires) pour faire plier cette capitale ingrate et fondamentalement malsaine. C’était sans compter sur la solidarité et la citoyenneté du peuple.
Suivant le principe des poupées russes, et après avoir fait le tour de cette histoire hallucinante, l’auteur nous plonge dans le quotidien d’un commissaire de police infiltré dans la capitale dans le but de démanteler le fameux réseau terroriste « blanchard » ennemi de la nation.
Si le gouvernement, et plus particulièrement le ministre de l’intérieur qui « suinte la haine » tout au long du roman ne mérite que le mépris, voire la pitié, on ne peut rester insensible face à la bravoure, à l’honnêteté et à la dignité de certains personnages.
Comme dans toutes les affaires touchant à la politique, l’équilibre entre le bon et le mauvais n’est pas respecté. Ceci dit, le courage des bons dans ce roman laisse rêveur et permet au lecteur de continuer à espérer, à défaut d’être fier de sa condition de bipède.
Outre la force des caractères, la fluidité du style, l’originalité de l’histoire, son côté dystopique mais pourtant si réel, Saramago parsème son roman d’humour, de sarcasmes, essentiels pour faire passer une telle injustice.
Un roman si captivant qu’il pourrait facilement passer pour un témoignage.