J'ai lu ce roman à la lumière d'une phrase extraordinaire de Robert Musil, l'auteur de L'homme sans qualités, qui dit: " L'homme hyper-moderne est auréolé de vacuité."
C'est justement à cette vacuité que Sartre a cherché à donner une forme, une manifestation et une existence: La nausée !
Dans ce roman qu'on peut qualifier de phénoménologique - n'en déplaise à Husserl -, on suit les pérégrinations d'une conscience, celle du jeune écrivain Antoine Roquentin qui, saisi de spasme ontologique qui le raidit, cherche à saisir l'essence et le sens d'un monde qui s'effondre à la moindre question. Un monde qu'il examine avec méticulosité et dont il essore les objets pour n'en faire sortir finalement que de la boue.
Cela se passe dans une ville imaginaire du nom de Bouville (boue-vile) où les objets, les lieux et les gens sont gluants, fades, vides et insignifiants.
La nausée qui s'empare du personnage-narrateur n'est qu'un aboutissement, une sorte d'illumination : La nausée n'est pas une maladie; c'est une façon d'exister.
Roquentin n'est pas un désespéré car il n'attendait pas grand-chose du monde, il n'est pas non plus un optimiste parce qu'il pense qu'"avoir fait" est mieux que "faire", il est "existant" donc il est Libre. Ce personnage contemplatif est poussé de force dans un monde qui se refuse d'emblée, un monde englouti sous l'oppressante pénombre qui rend tout rébarbatif. La seule voie qui lui reste possible à franchir est celle de l'écriture, une voie qui n'est toutefois pas moins périlleuse.