Que ce soit clair, les lettres d'amour entre Julie et Saint-Preux sont très vite redondantes, emprunte d'une sorte de lyrisme moyenâgeux dans lequel le lecteur peut vite être amené à s'ennuyer. Si vous avez ouvert ce livre dans l'intention de frissonner à un échange de lettres passionnées entre une jeune noble et son précepteur : passez votre chemin. Je dis ça pour vous éviter un ennui mortuaire, qui, étant donné la largeur du pavé, risque de s'étirer dans le temps. Cependant (oui quand même, en tant que fan de Rousseau, on se refait pas), si vous avez envie de vous plongez dans l'esthétique et la philosophie, mise en application, du plus grand penseur de l'âge des lumières (excusez cette envolée) courez-y, plongez-y, mangez-le! C'est une œuvre extraordinaire de richesse et de complexité où Rousseau ne condamne jamais celui qu'on croit. Je conseille d'ailleurs, en passant, de précéder la lecture de Julie par Le contrat social qui aide davantage à comprendre ce que Rousseau essaye de faire dans le roman. Il faut aussi se rappeler le contexte d'écriture et de publication de cette fiction épistolaire tout à fait novatrice dans lequel Rousseau justifie une passion HORS MARIAGE, l'exalte et la transcende. Bref, je terminerai sur cet extrait tiré de la préface de Julie, Rousseau sachant mieux que moi-même comment donner envie à quelqu'un de lire son livre : "Ce livre n'est point fait pour circuler dans le monde, et convient à très peu de lecteurs. Le style rebutera les gens de goût; la matière alarmera les gens sévères; tous les sentiments seront hors de la nature pour ceux qui ne croient pas à la vertu. Il doit déplaire aux dévots, aux libertins, aux philosophes; il doit choquer les femmes galantes, et scandaliser les honnêtes femmes. A qui plaira-t-il donc? Peut être à moi seul; mais à coup sûr, il ne plaira médiocrement à personne."