Dans La Plage d’Ostende, Émilienne, alors vieille femme, raconte comment et pourquoi elle a consacré toute sa vie à un seul homme, rencontré lorsqu’elle avait tout juste onze ans. Plongée très jeune par sa mère dans la vie mondaine bruxelloise, elle est de tout les dîners. Durant l’un d’eux, on lui présente Léopold Wiesbeck, 25 ans, jeune peintre à l’avenir plus que prometteur. Le coup de foudre est immédiat : Émilienne sait que soit elle parviendra à se faire aimer de cet homme, soit elle mourra. Elle entreprend alors de se construire à l’image de Léopold afin qu’il ne puisse pas détourner son regard d’elle lorsque son heure sera venue. Pour parvenir à ses fins, elle sera prête à détruire tous ceux qui se dresseront en travers de leur histoire. A l’heure où elle écrit ces lignes, Léopold est mort depuis longtemps. Elle ressent alors le besoin d’expliquer ses choix de vie. Elle n’éprouve aucun regret, si ce n’est celui de ne pas avoir profité davantage des années où son amant était encore en vie.

Il est un peu difficile de croire à cette histoire d’amour. Ce qui m’a rendue le plus sceptique, c’est la discipline que s’inflige la petite fille pour soumettre son corps aux diktats de la Beauté selon Léopold Wiesbeck. Le coup de foudre d’Esther est encore moins plausible, ce qui, d’après moi gâche un peu la fin du roman. J’aurais pu comprendre que l’auteure lui compose un destin similaire à celui de sa mère mais l’identité de l’homme duquel elle s’éprend n’est tout simplement pas crédible.

Par contre, Jacqueline Harpman décrit merveilleusement bien cette société mondaine du milieu du XXe siècle : on s’imprègne vraiment de l’ambiance des salons, on voit les femmes, leurs rivalités pour plaire aux hommes sous les yeux mêmes de leur mari, les jeux de pouvoir, etc.

Le personnage d’Émilienne est touchant malgré le désintérêt qu’elle porte à tout ce qui n’est pas Léopold. Elle parvient à être manipulatrice tout en restant le plus honnête possible avec ses victimes. L’auteure réussit à nous faire ressentir sa détresse lorsqu’elle est loin de l’être aimé mais aussi sa confiance en elle quand elle sent son regard sur elle. J’ai également beaucoup aimé le fait qu’elle s’accrochait à certains principes tout n’hésitant pas à en bafouer d’autres.

Ce que l’on retient de ce roman, c’est surtout l’écriture sublime de Jacqueline Harpman : elle use d’images plus belles les unes que les autres pour dépeindre les émotions de ses personnages. Chaque scène, chaque paysage est détaillé avec précision. De tout cela, une certaine magie se dégage, identique à celle qui émane des plus belles peintures.
Maghily
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le 10 nov. 2013

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