Avec "La plume empoisonnée", Agatha Christie revisite le mythe littéraire du "corbeau", cet individu malfaisant qui distille des courriers obscènes et menaçants au sein d'une petite communauté.
La Reine du Crime choisit un narrateur "inconnu", l'aviateur Jerry Burton, qui se remet d'un grave accident lors d'un séjour "au vert" dans la campagne anglaise, et forme avec sa sœur Joanna un duo d'enquêteurs juvénile et attachant. D'ailleurs, la langue de Christie n'a jamais été aussi jeune et familière, parsemée d'expressions argotiques et de réflexions humoristiques, ce qui rend le roman extrêmement facile et agréable à dévorer.
Nos deux jeunes londoniens découvrent avec plaisir et étonnement les us et coutumes de ce gros bourg et de ses habitants. Avec stupeur aussi, lorsqu'il reçoivent une première lettre anonyme où Joanna est décrite comme une "putain peinturlurée"...
L'occasion pour la romancière anglaise d'esquisser un portrait à la fois tendre et acerbe de ses concitoyens, et de dresser un catalogue de suspect(e)s, étant entendu que la police soupçonne prioritairement une femme d'être le corbeau. Entre la vieille fille isolée, la gouvernante aigrie et le collectionneur d'art efféminé (pour ne citer que ceux-là), chacun semble avoir des secrets et peut-être une aversion profonde pour ses voisins.
Précisons que si l'honorable vieille dame n'apparaît qu'à l'extrême fin du roman, "La plume empoisonnée" est bel et bien une enquête de Miss Marple. Un polar ludique et savoureux, dont seul le dénouement somme toute banal pourra éventuellement faire hésiter, au moment de le classer parmi les tous meilleurs d'Agatha Christie.