Si Panayotis Pascot est connu pour son humour, c’est dans un tout autre registre qu’il officie ici. Avec cet ouvrage, il propose l’autobiographie introspective d’une âme torturée. Il y livre une mise à nu du coeur autant que du corps, avec une émotion brute, froide, presque chirurgicale. Sa vie jusque dans les recoins les plus intimes est passée au crible, depuis ses difficultés relationnelles avec le Père en passant par son errance sentimentale et sexuelle qui se poursuit au-delà de la découverte de son homosexualité, jusqu’à son angoisse existentielle généralisée.
J’ai longtemps hésité avant d’ouvrir ce livre. D’abord parce que m’intéressant à la littérature dite classique, je craignais de n’être déçue par l’investissement qu’un humoriste pouvait faire de ce médium sacré à mes yeux. Ensuite, parce que j’ai toujours considéré qu’il existait quelqu’impudeur à se livrer ainsi au tout-venant, et qu’il m’importait de ne pas me faire voyeuse, moi aussi. Alors, j’ai entamé prudemment la première page, avec défiance et distance. Et celle-là a suffi à me détacher de tous mes a priori. Sans doute parce que Panayotis n’est pas prosateur, l’on trouve dans cet incipit un style neuf, dont les anacoluthes surprenantes (à la lisière de la faute syntaxique sans toutefois jamais sonner faux) confèrent au récit certains accents légèrement céliniens. Les capacités d’introspection, de conceptualisation et d’autocritique dont fait preuve Panayotis permettent à cet écrit de transcender le simple projet autobiographique nombriliste pour transmuer le sujet en objet d’étude psychologique.
Et, parce qu’il existe souvent des filiations littéraires souterraines que l’auteur lui-même ne soupçonne guère, il est intéressant de constater que Panayotis semble se situer inconsciemment dans la droite ligne de l’autobiographie telle qu’elle a été conceptualisée par Michel Leiris :
« Mettre à nu certaines obsessions d'ordre sentimental ou sexuel, confesser publiquement certaines des déficiences ou des lâchetés qui lui font le plus honte, tel fut pour l'auteur le moyen — grossier sans doute, mais qu'il livre à d'autres en espérant le voir amender — d'introduire ne fût-ce que l'ombre d'une corne de taureau dans une œuvre littéraire. »
Voilà très exactement le projet littéraire qui sous-tend le récit de Panayotis. En nourrissant son écriture de sa propre expérience et en la restituant avec une telle transparence, il se livre à une exposition morale de soi qui n’est en effet pas sans rappeler l’écrivain portraituré en matador par Leiris.
Bien que cette sincérité soit propice à de nombreuses maladresses stylistiques émaillant l’écrit, elle permet à l’écriture de se faire thérapeutique. Par ce médium, Panayotis parvient à ordonner le chaos intérieur qui était le sien, et, en de certaines occasions, à révéler un peu du nôtre.