Dans un roman autobiographique illustrant la complexité des relations filiales dans toute leur splendeur, Romain Gary nous livre une histoire à la fois touchante et déroutante, en tout cas pour qui n’a jamais eu de liens aussi fusionnels - à la limite du toxique - avec sa mère. La vie du jeune homme, loin d’être toujours aisée, donne ainsi matière à écrire ; de Wilno, en Pologne jusqu’à Nice en France, c’est l’accomplissement du rêve maternel qu’il s’efforce d’atteindre : il sera un grand écrivain, et ambassadeur de France. D’écrivain, Romain Gary a tout d’accompli : c’est d’une écriture touchante, ciselée, maniant l’humour et l'autodérision à la perfection qu’il nous livre ce récit.


Cet amour inconditionnel de la mère pour le fils, du fils pour la mère est très poétique, très littéraire, et cela fait un beau sujet de roman. Mais enfin, à la lecture, j’ai eu tout de même bien du mal à étouffer en moi un sourd mal-être, un immense écœurement. À la fois je ressentais une profonde pitié pour cette mère désœuvrée qui se rattache à son fils comme à une bouée en plein océan, à la fois je m’indignais résolument par compassion pour le petit. Je me suis toujours âprement opposée à cette idée que les enfants devaient servir de bouée de sauvetage aux parents, qu’ils leur devaient quoi que ce soit. Le syndrome de réussite par procuration me répugne au plus haut point, car ce n’est pas le rôle d’un gamin que de parvenir aux aspirations manquées de sa mère. Ainsi, au lieu de lire un beau roman d’amour, j’avais l’impression de lire un manuel sur la meilleure façon d’entretenir des générations infinies de névrosés sur Terre. S’il y a bien une citation de Romain Gary qui illustre ce problème, c’est celle-ci :


« Je ne dis pas qu'il faille empêcher les mères d'aimer leurs petits. Je dis simplement qu'il vaut mieux que les mères aient encore quelqu'un d'autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n'aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine. »


Mon affinité avec ce roman a donc été fortement entravée par ce dégoût profond que j’ai pour ces mères qui donnent trop et qui enlèvent tout à leurs enfants.

Sashenkaa
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le 5 août 2021

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