C'est difficile de ne pas rester neutre au sujet de ce roman — et d'écrire simplement : « oui, je l'ai lu », étant donné que l'auteur lui-même a pris le parti du dépouillement le plus indifférent qui soit : les deux personnages principaux n'ont ni identité, ni apparence précise ; ils errent sur une route (sur ses bas-côtés et dans les forêts environnantes surtout) située on ne sait où et sont engrenés dans la routine franchement monotone « marcher - chercher - manger - dormir ». Les mots sont froids, ternes, exactement comme l'est le monde qu'ils décrivent : tout est grisâtre, compris entre le noir et le blanc ; les touches de couleur sont rares et souvent enlaidissent ce qu'elles qualifient. De ponctuation ne demeurent que les points et quelques virgules rebelles tout à fait nécessaires.
Plus qu'un récit sur l'apocalypse (car quelle fut-elle ici ?), il s'agit de l'observation des relations entre un père et son fils, de la transmission des valeurs, des croyances, du « feu », de l'un à l'autre. Ce n'est pas inintéressant mais c'est rudement long, presque aussi interminable que la fameuse route. Aussi, j'ai apprécié que le garçon, né nulle part et sans véritable éducation, considère que Dieu existe alors que son père paraît en douter ; il y a une réflexion métaphysique (peut-être involontaire) sous la surface des mots qui m'a assez plu.