Publié sur L'Homme qui lit :
Vous vous souvenez peut-être de mon coup de cœur absolu pour le premier roman de cette jeune auteure américaine, Celeste Ng (prononcez "ing" , c’est même son pseudo sur Twitter, @Pronounced_Ing), Tout ce qu’on ne s’est jamais dit, déjà publié il y a deux ans chez Sonatine ? Et bien l’auteure est de retour dans nos librairies avec un nouveau roman tout aussi splendide, à la mécanique savoureusement articulée, que j’ai pu lire il y a plusieurs mois en anglais grâce à NetGalley, la plateforme qui met les blogueurs et les éditeurs en relation, et qui m’a permis de solliciter ce titre paru en septembre dernier chez Penguin Random House : Little Fires Everywhere.
L’histoire se déroule sous l’administration Clinton, dans une ville atypique de la banlieue de Cleveland dans l’Ohio : Shaker Heights est en effet connue pour son organisation différente, puisque faite de rues courbes et non rectilignes, et pour sa planification extrême dans la vie de la cité, rien n’étant laissé au hasard, tout étant calculé et particulièrement réglementé. "À Shaker Heights, il y avait un plan pour tout" .
C’est dans cette banlieue si paisible, à la vie millimétrée, que par un beau matin, la famille Richardson se retrouve dans la rue à contempler sa maison entrain d’être ravagée par les flammes. Et tous de songer en eux-mêmes : comment a-t-on pu en arriver là ? Ce sera toute l’histoire de ce roman. Comment la famille Richardson, tellement parfaite en apparence, dans sa grande maison de banlieue chic, le père avocat, la mère journaliste dans la station locale, et les quatre enfants bien insérés, ont pu se retrouver dans cette situation ?
Il faudra alors remonter à l’arrivée en ville de Mia Warren et de sa fille Pearl, pour comprendre la cascade d’évènements qui aura permis de faire voler en éclat toute cette façade si tranquille. C’est que, chez les Warren, la vie n’a rien de commun avec celle des Richardson : sans attaches, toujours en mouvements, la mère célibataire et son adolescente de fille vivent un peu une vie d’artistes bohèmes. Aussi, chez les ados, la curiosité sera vite de mise, et si Pearl se lie d’amitié pour les Richardson et se retrouve régulièrement chez eux, on comprendra que la cadette de la fratrie, Izzy, la rebelle de la famille, se sente plus à l’aise en compagnie de Mia…
Seulement voilà, quand la meilleure amie de madame Richardson décidera de demander l’adoption du bébé asiatique abandonné que les services sociaux ont placé chez elle et son mari, et que sa mère biologique se décidera finalement à vouloir la récupérer, la vie des deux familles se cristallisera autour de cette délicate question, jusqu’au point de rupture.
Celeste Ng livre avec ce second roman une analyse absolument bluffante d’une banlieue chic américaine, avec ses faux semblants et ses rancœurs, son ouverture de façade et son racisme dissimulé. Elle y aborde sans concession la place de la femme, la filiation, le droit à l’enfant, l’avortement, et plus généralement ce que sont les familles, dans leurs modes de vie et leurs choix uniques. Comme dans son précédent roman, l’auteure réussit à disséquer parfaitement ces problématiques de société, le tout dans un récit à la langue savoureuse et qui jamais ne m’a ennuyé. Un roman à lire, et une auteure à suivre !