Coleman Silk est un professeur d'université reconnu quand, accusé d'avoir tenu des propos racistes envers des étudiants, il est contraint de démissionner. Il renonce à sa carrière plutôt que de livrer un secret qui aurait pu l'innocenter. L'écrivain Nathan Zuckerman découvre le passé inouï de son voisin. Il assiste de loin à sa liaison sulfureuse avec une femme de trente ans sa cadette, Faunia, qui est poursuivi par un ex-mari vétéran du Vietnam et obsédé de vengeance.
Nathan Zuckerman, sorte de double de l'auteur, est le narrateur et mène l'enquête. A la fois témoin et protagoniste, il nous livre les éléments petit à petit. On découvre avec lui des personnalités complexes qui tentent de se réinventer. Étriqué par leurs origines ou leurs milieux sociaux, ils cherchent à s'inventer une nouvelle vie. Mais cela suppose des sacrifices, des mensonges et des renoncements. A travers eux on est amené à réfléchir sur nos identités et sur la nécessité ou non d'accepter d'où l'on vient.
A travers ce roman on retrouve les blessures encore à vif de L'Amérique, tel que la guerre du Vietnam et le racisme contre les noirs. C'est aussi une charge contre la morale bien pensante qui se mêle et s'offusque de la vie intime de leurs voisins. Les parallèles entre l'affaire Levinski, qui défraie la chronique au moment de l'intrigue, et l'histoire d'amour entre Colman et Faunia illustrent cela. Les discussions autour de ces deux couples pointent le ridicule et la futilité de ces questions.
J'ai beaucoup aimé le personnage de Delphine, enseignante d'origine française venue chercher aux Etas-Unis un moyen de s'affranchir de sa famille trop parfaite. Elle donne lieu à une réflexion sur les incompréhensions entre différentes cultures. Elle analyse ses difficultés à se lier à ses collègues et à construire une relation avec un homme américain. Désorientée, car entourée de schémas familiaux et moraux qui ne lui sont pas familiers, il lui faut trouver sa place. C'est un personnage secondaire mais très intéressant.
Les passages évoquant les thérapies pour soigner les troubles des soldats revenant du Vietnam sont aussi saisissants. Il y a beaucoup de violence et d'humanité là-dedans. Ces hommes tentent de s'entraider pour surmonter cela alors que leur pays ne leur propose rien. On comprend la difficulté à se reconstruire après cette guerre et les ravages qu'elle a pu faire ensuite sur la société toute entière.
Après Le complot contre l’Amérique et La tache, il est sûr que je relirai des romans de Philip Roth. Il a le don de créer des personnages intenses et complexes ainsi que celui de pousser à la réflexion par la fiction. Il parle de problématiques américaines mais il y a de l'universel dans ses livres, et c'est cela qui me touche.