Je sais qu'il n'est pas de bon ton chez les littérateurs d'aimer Éric Emmanuel Schmitt. L'aveu est presque synonyme de levysme*. Et bien moi j'ai** lu les 3/4 de sa prolifique bibliographie et dans tous les genres, romans, théâtre, essai, épistolaire, hagiographie musicale...se renouvelant dans chaque genre abordé. il m'a apporté une dose d'humanisme prodigieuse et de l'eau savoureuse au moulin de ma réflexion. Ici, il s'agit d'un recueil de 4 nouvelles, faciles à lire mais d'une densité monstre, ayant pour thème commun le pardon. Indépendantes les une des autres, elles se parlent et se répondent comme des amis ayant une conversation et discutent de points de détails. Pourquoi pardonner, comment y parvenir... Le donner, le recevoir, le réclamer. L'auteur a un style à la fois riche et limpide, clair et dénué d'artifice, montre une puissance d'analyse des caractères que c'en est bouleversant. En fin Psychologue, il construit chaque personnage de manière infiniment complexe. Point de bla bla religieux ici mais quatre visions différentes et complémentaires de cet acte divin qu'est le pardon. Il insiste sur l'importance du regard porté sur une personne et la manière décisive dont cela influence sa vie, ses choix, son destin... Dans les sœurs Barberin cela est d'autant plus flagrant que Éric Emmanuel Schmitt évoque des jumelles aussi différentes de caractère que semblables physiquement. Comprendre à quel point ce regard joue sur notre vie. Être aimé(e) soutenu(e)*, change la donne pour les personnages de deux des nouvelles servies dans ce recueil. Le pardon n'est pas ici présenté comme précepte fondateur du catholicisme, mais comme concept de type kantien, purement moral et rationnel. Il est présenté comme aussi divers, multiple et ambigu que l'être humain. Schmitt a s'est interesséaux principes religieux dans certains ouvrages précédents regroupés dans son cycle de l'invisible, ce n'est pas sa préoccupation ici. Il est plus difficile de solliciter le pardon d'autrui, de chercher à le mériter. Cela donne un pouvoir à celui qui pardonne sur celui qui a fauté et a besoin d'être pardonné. Pardonner une personne qui nous a blessé n'est pas oublier ou nier cette blessure, c'est lui montrer qu'on reconnaît son humanité, ses manquements et qu'il est accepté comme tel. C'est souvent plus difficile que de l'être tel que l'on voudrait paraître, que l'on oublie plutôt.
Pour simplifier, il serait possible de préciser que les deux premières nouvelles montrent comment accepter le pardon accordé , vivre avec, les deux suivantes abordent la façon de payer pour expier une faute et gagner ce pardon en détruisant la culpabilité paralysante et laisser place à la reconstruction (de soi, de sa relation à l'autre...). C'est évidemment schématique et bien moins facile que ça. Éric Emmanuel Schmitt fait simple mais pas simpliste, questionne son lecteur pas forcément dans le sens du poil et remet des idées reçues en perspective.
Pour créer un lien supplémentaire avec son lecteur, il n'hésite pas à lui parler de choses qu'il connaît (le petit prince, Puccini...) pour mieux les détourner et remettre en question sa zone de confort.
Je le conseille à tous même au lecteur occasionnel qui ne fréquente une bibliothèque que pour aller aux toilettes et les librairies juste pour demander son chemin.
Pour convaincre le dernier irréductible, il y a un chat génial dedans le livre.
*littérature de supermarchés vantant des auteurs sans talent ne sachant écrire que pour vendre et dont le maître incontestable et incontesté est donc Marc Levy.
**la nana ue qui ne parle que d'elle
***et qui utilise l'écriture inclusive pour faire bien