Lambeau est l’oeuvre-vie de Charles Juliet dans laquelle il célèbre ses deux mères: sa mère biologique d'une part: la jetée-dans la fausse; et sa mère adoptive d'autre part: la toute-donnée. L’histoire de ces instances maternelles dessine de manière détournée la vie de l’auteur. L’oeuvre est partagée en deux parties mais le pronom personnel de la deuxième personne les uni.
La première partie évoque ainsi la mère biologique de Charles Juliet et son destin tragique, rongée par une enfance douloureuse, un amour mortuaire, la déception du mariage, les grossesses consécutives, et la dépression. L’esseulée et la vaillante est alors internée dans un hôpital psychiatrique où elle connaîtra la mort à l’âge de trente-huit ans. Elle laissera sa trace sur l’un des murs de l’hôpital, une prose qui crie à l’aide:
> Je crève / parlez-moi / parlez-moi / si vous trouviez / les mots dont j'ai besoin / vous me délivreriez / de ce qui m'étouffe
Charles Juliet nous offre avec Lambeau, une expérience littéraire de la verticalité où l’auteur plonge dans la profondeur du moi. Malgré la douleur de ce chemin à parcourir, Lambeau est un geste d’affranchissement pour l’auteur, qui se construit enfin en tant qu’écrivain. Il semblerait qu’il faille parfois savoir atteindre la peur et l’angoisse extrêmes. Mais l’écriture sauve: les obstacles qui se sont dressés devant l’auteur sont dépassés par ce geste libérateur. Ainsi, le long périple de Lambeau apporte une ouverture à la force de la vie.
L’émotion semble être le maître mot de Lambeau: l’affect est intense. Tendresse, humanité et finesse résument l’ampleur des sentiments. Une brutalité pourtant si douce des mots, bouleversants. L’écriture est fine, en toute sobriété.
Un de ces livres dont on se souvient.