Quand une femme de Mai 68 vit dans la France de 1830...
Les années 50 et surtout 60 ont vu une avalanche de femmes qui, après des siècles à vivre dans un monde trop étriqué pour elles, se sont enfin octroyées le droit d'avoir les mêmes droits que les hommes, de porter des mini-jupes, d'avoir un travail, de faire l'amour quand elles en ont envie, de faire en grande partie Mai 68...
Toutes ces femmes qui ont été symbolisées sur grand écran d'abord timidement par les Martine Carol et les Brigitte Bardot puis d'une manière plus effrontée mais sans perdre pour autant une once de féminité par les Dorléac, Deneuve, Seyrig, etc...
Lamiel, l'héroïne de ce roman de Stendhal, aurait pu très bien lancer des pavés parisiens sur les CRS, mais voilà elle vit dans la France de Charles X puis dans celle de Louis-Philippe ; mais voilà elle en a rien à foutre...
La protagoniste est une insoumise, qui n'est décidée, et qui n'en fera, qu'à en faire à sa tête ; et qui ne se servira des conventions sociales, surtout pas pour les subir, mais dans son propre intérêt. Autant dire qu'on s'y attache sans mal d'autant que l'écrivain a eu l'intelligence d'en faire une rebelle qui n'en est en aucun cas une méchante fille, juste quelqu'un qui veut vivre pleinement sa vie.
Stendhal, qui avait plus habitué son public à un romantisme sombre et morbide avec ses deux romans les plus célèbres "Le Rouge et le Noir" et "La Chartreuse de Parme", se fait ici un brillant satiriste où personne n'est épargné de la plus petite paysanne au plus noble des nobles. Les 100 premières pages forment un chef d'oeuvre d'humour dans ce sens. Après ça s’estompe un peu...
La faute au fait que Stendhal avait préféré, avant de finir d'améliorer et d'écrire le manuscrit, se consacrer à autre chose. La mort de l'auteur viendra mettre définitivement fin à la possibilité de faire de "Lamiel" un roman autre qu'inachevé. Reste qu'un plan de l'histoire entière rédigé par l'écrivain annonçait un chef d'oeuvre audacieux et subversif qu'un final dantesque avait l'air de vouloir achever de manière mémorable.
Mais le peu qu'on a mérite grandement le détour car féministe avant l'heure le Stendhal il n'y a qu'un pas... que l'on peut franchir allègrement...