Les ascenseurs et les déjections canines sont les deux thèmes majeurs du dernier Jean-Paul Dubois, Le cas Sneijder. Et on a beau n'avoir qu'indifférence pour les uns et vague dégoût pour les autres, l'écrivain nous scotche littéralement dans un récit où l'anodin et le quotidien deviennent source de réflexion philosophique : qui sommes nous ? D'où venons nous ? Où allons nous ? Pour cette dernière interrogation, la réponse est simple : vers un ascenseur ! Il faut lire Dubois pour comprendre que cet appareil est le symbole de nos vies urbaines, qu'il nous oblige à la verticalité et à la promiscuité et fait de nous des êtres robotisés, décervelés, disciplinés. L'auteur, comme dans tous ses livres, part de situations/cogitations/introspections absurdes, les rend d'une irrésistible cocasserie, jusqu'à ce que l'on réalise à quel point tout y est d'une lucidité aveuglante et profonde. Le héros de son livre, après sa chute d'ascenseur et le coma qui s'en est suivi, a comme fait un pas de côté avec la "normalité". Confus, il fuit peu à peu les conventions, ironise sur les drogués du travail, notamment sa femme, dont le "haut potentiel" lui fait oublier le sens des relations humaines. Dubois reste d'une incroyable précision dans sa galerie de portraits de ses contemporains : acides ou bienveillants, selon les individus, dans une langue d'une limpidité parfaite. L'on peut sourire, souvent, s'attendrir, parfois, mais le ton est grave, en fin de compte, et drôlement pessimiste. Ne pas marcher au même rythme que les autres, c'est s'exclure de la communauté et risquer d'être mis au ban de la société. La conclusion du livre fait froid dans le dos. Après sa lecture, on ne prendra plus l'ascenseur sans arrière-pensée. A la réflexion, on préférera même emprunter les escaliers. C'est plus sûr, et plus sain !