Chez les Ferrayor, la coutume veut qu'à la naissance le nouveau né reçoive un objet, l'objet de ses jours. Un objet de baptême. Un robinet, un cendrier, une bonde, un tabouret, une paire de forceps, n'importe quel objet usuel fera l'affaire. Il devient alors intimement lié à la personne.
Premier tome de la trilogie « Les Ferrailleurs », Le Château est un roman fantastique, à la sauce gothique. 26 chapitres dans lesquels Clod partage son récit. Jeune garçon chétif, frêle et souffre douleur de son cousin Moorcus, il peut entendre les objets de naissance parler, gémir, murmurer. Il les entend prononcer un prénom et un nom. C'est dire la cacophonie dans sa tête ! Sa famille fait appel à son don lorsque Tante Rosamud perd sa poignée de porte. Clod a aussi d'autres préoccupations, à savoir devenir adulte et s'il doit épouser sa cousine Pinalippy. Il séjourne dans les étages supérieurs de la demeure car il est un ferrayor de haut rang. S'ajoute le récit de Lucy Pennant, jeune orpheline accueillie au château mais dans les bas-fonds. Elle est embauchée comme servante ferrayor. Deux outcast, sans parents et malmenés par leurs proches, ils vont bien sûr se rencontrer. J'ai trouvé les deux personnages attachants, Clod pour sa bonté et sa bienveillance et Lucy, malgré les saletés qu'on lui fait endurer et les insultes parfois violentes, elle reste toujours digne et ne se laisse pas abattre.
J'ai aimé ce huis-clos glaçant dans lequel évolue les personnages. L'auteur crée une ambiance à nous faire dresser les cheveux sur la tête. La grande majorité de l'action se passe dans le manoir à l'architecture bizarre, étrange, qui s'élève au milieu d'un océan de détritus, les rebuts de Londres. Le lieu devient personnage. Un labyrinthe où l'accès aux nombreuses pièces se fait via les conduits de cheminée, les passe-plats, l'escalier de marbre, l'escalier en colimaçon. On explore, on s'y perd, on se cache, on déambule. Le lecteur parcourt les couloirs tortueux avec en fond ces bruits venant des objets, du sous sol (le sifflement du train), de la tempête, d'une force étrange, du château lui-même (le grincement de la tuyauterie). Ajouté à cela les effluves de la décharge, nauséabondes. Une atmosphère grise et inquiétante.
J'ai apprécié un procédé d'écriture qui sert bien l'histoire. L'auteur utilise très régulièrement l'énumération, l'énumération de noms propres et communs, de verbes etc. Cet entassement de mots renforce l'idée de l'accumulation des objets, des détritus mais aussi des nombreux oncles, tantes et cousins ferrayor qui peuplent le château, et va nous procurer une sensation d'oppression.
C'est donc surtout ce cadre singulier qui m'a marqué car l'intrigue en soit est simple. Les objets de naissance sont le fil rouge, l'élément fantasque du roman, mais il manque un petit quelque chose. Un peu plus de profondeur ? Le développement de certains personnages ? Une dimension poétique ? Toutefois, l'envie de connaître la suite est là ! La lecture reste agréable et on s'attache à Clod et Lucy. La fin intrigue et éveille des questions dont on souhaite connaître les réponses.