Je suis un parisien, moi. Oui, Madame. Un vrai, un qui méprise la province, un qui conchie les péquenots, un qui se gausse du régionalisme. Un vrai parisien, je vous dis. Mais j'ai mes faiblesses, mes instants d'égarements. Tenez, j'ai lu un livre sur la Bretagne.
Publié en 1975 à la demande de Jean Malaurie himself dans la mythique collection Terre Humaine des éditions Plon, ce classique du fonds d'anthropologie propose l'étude d'une famille paysanne de Pouldreuzic au lendemain de la Première Guerre mondiale. L'ouvrage, qui est en bonne partie autobiographique (cette famille est tout simplement celle de l'auteur), ne se contente pas de dépeindre le quotidien de ses différents membres. En effet, la vie de la famille Hélias illustre plus généralement celle de toute une région et, à travers les croyances, les rites et les codes qui la rythment, elle dessine les contours d'une époque.
C'est là qu'intervient la polémique qui colle au livre : il a été reproché à l'auteur de donner une image passéiste de la Bretagne. Pour ma part, je suis bien incapable d'en juger : je ne traverse jamais le périphérique et j'ai déjà du mal à me rendre dans les arrondissements à deux chiffres. Comment alors savoir si le portrait très anachronique que Pierre-Jakez Hélias dresse de la Bretagne dépasse l'image d’Épinal que peut s'en faire un parisien anti-provincial et perclus de tous les défauts propres aux habitants revendiqués de la capitale (moi) ? Porte-t-on encore la bigouden ? Des sabots ? Quid des lavandières et du celtique ? Aucune idée. J'ignore même si, depuis le début du siècle dernier, les choses ont changé ou si le Finistère reste cantonné à son folklore, figé en un temps reculé.
Une chose est certaine, le livre est passionnante et il remet en perspective nos problématiques actuelles. J'aime bien l'idée d'avoir lu un essai traduit du breton, pour autant il ne m'a pas donné envie de m'expatrier dans les plaines de la Bretagne armoricaine ou d'avoir pour ami Akim, le fils du forgeron. En revanche, je ne dirais pas non à une bolée de cidre ou à un kouign-amann.
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