Quand je pense aux chevaliers de la Table ronde, j'avoue que les abrutis de Kaamelott et de Monty Python : Sacré Graal, dans des registres comiques différents mais qui sont tous les deux hilarants, me viennent beaucoup plus vite à l'esprit que les héros valeureux capables de se battre contre un adversaire pendant des jours, des semaines, des mois, le crane défoncé, les boyaux à l'air. Mais croire que les Monty Python ou Alexandre Astier ont été les premiers à faire rire en parodiant les nobles chevaliers du légendaire Roi Arthur, c'est une erreur car bien avant, bien bien avant, près de 9 siècles avant, il y avait un monsieur du nom de Chrétien de Troyes qui se foutait déjà de leur gueule.
Certes, Yvain et Gauvain sont du genre à se battre des jours, des semaines, des mois contre un adversaire, et même entre eux sans le savoir, le crane défoncé, les boyaux à l'air, sont d'un courage sans faille, d'une force prodigieuse, loin des deux nazes incroyables de la série d'Alexandre Astier. Mais Yvain qui dépasse, sans s'en rendre compte le moins du monde, pendant plusieurs mois le délai fixé par son épouse d'un an pour aller guerroyer, trucider, s'amuser ; Arthur dont le premier geste dans le livre est d'aller se coucher ; Calogrenant, qui loin de se battre pendant des jours, des semaines, des mois, se fait balancer et voler son cheval en moins de cinq secondes, comme une merde ; Keu, qui est une véritable langue de vipère, qui ne manque jamais une bonne occasion d'être odieux, qui ne recule tellement pas devant le moindre crachat de venin qu'il en devient drôle et attachant malgré lui ; une suivante à qui on demande d'y aller mollo sur l'onguent, de prendre soin de ramener la boîte et qui ne trouve pas mieux que de vider complètement la boîte et de la balancer ensuite... Non, déjà à l'époque ça ne se prenait pas au sérieux, les personnages des légendes arthuriennes étaient déjà un peu cons .
Bon après, sérieusement, on est emporté par une suite d'aventures merveilleuses d'un souffle épique qui ne faiblit jamais et qui procure un plaisir de pur divertissement incroyable, le tout sans jamais être trop répétitif, avec des personnages qu'on apprécie (mentions spéciales à Lunete, la suivante futée, à Keu, pour des raisons déjà exposées, et au Lion, trop cool comme compagnon de voyage !). Mais la touche parodique en supplément fait que cette oeuvre traverse encore mieux les âges, en ne perdant pas une seule once de fraîcheur. Chrétien de Troyes, premier grand romancier français de l'Histoire ? Ben, ouais...