Glauque, malsain, terrifiant... mais tellement attirant.
« De nombreuses affaires citées dans ces pages sont réelles. Pour certaines, les noms et les lieux ont été volontairement changés parce que les enquêtes et les procès ne sont pas encore tout à fait terminés. »
C'est à peu près sur cette annexe que se termine le livre de Donato Carrisi. De quoi déprimer et rester horrifié pendant un bon petit bout de temps, quand on vient d'aboutir à la conclusion de l'histoire.
Le Chuchoteur est un thriller qui a fait sensation dans le monde littéraire lors de sa sortie, et à sa lecture on comprend pourquoi, même si à titre personnel j'ignorais avant qu'on me l'offre tout de son existence, ainsi que de son auteur. En trois mots, Donato Carrisi a réalisé une thèse sur un tueur en série Italien, est juriste de formation, spécialisé en criminologie et en sciences du comportement. Bref, il connait son sujet, et ça se voit.
L'histoire part assez simplement, bien que de manière relativement glauque : cinq petites filles sont enlevées, et l'équipe du professeur Gavila, reconnu comme un des meilleurs criminologues du pays, est chargée de l'enquête. Si les 3 premières ont été enlevées de manière assez classique, le rapt des deux dernières est hallucinant : l'une a disparu d'un manège pour enfant, devant tout le monde, alors qu'elle était du côté où ses parents ne pouvaient pas la voir. L'autre s'est carrément volatilisée en pleine nuit dans sa chambre.
Le livre démarre au début de l'enquête, alors que l'équipe découvre 5 petites tombes, dans lesquelles reposent 5 petits bras gauches : ceux des fillettes. Mais le pire est encore à venir, car un sixième bras, sans identité celui-ci, se trouve à leurs côtés...
Le livre s'enfoncera alors dans un chemin toujours plus glauque, enchaînant les découvertes et les révélations macabres. J'avais d'ailleurs peur qu'il en fasse trop à ce sujet, mais finalement non : chaque scène est calibrée et parfaitement pensée pour servir l'intrigue. D'ailleurs, ce qu'il y a de plus remarquable dans ce récit, c'est sa construction : il switchera de temps en temps entre différents points de vue, bien que suivant principalement celui de Mila, une experte en résolution de kidnapping. Ces switchs, ainsi que la structure globale du livre, permettent à ce-dernier de s'amuser un peu avec le lecteur, et autant dire que ça marche : bien que constamment méfiant, je suis tombé dans absolument tous les panneaux que l'auteur me tendait.
Et cette extraordinaire construction lui permet de tenir un suspense constant, d'autant plus quand on sait que quasiment chaque chapitre se termine sur un twist insoutenable. Les 600 pages s'écoulent très vite, sans jamais s'essouffler, et si on lâche le bouquin c'est uniquement car il nous faut faire une pause : certains passages sont vraiment épuisants, éreintants, étouffants. J'ai rarement lu un thriller qui réussissait autant à reproduire les effets qu'il met en scène.
Bien sûr, tout n'est pas parfait, et il m'est arrivé une ou deux fois de me dire que certains personnages étaient vraiment stupides de pas capter ça ou ça. De même, l'histoire comporte quelques Deus Ex Machina un peu douteux, mais ça reste correct. L'important dans tout ça, c'est que c'est au final bien insignifiant.
Un puzzle terrifiant tant il est mathématiquement presque parfait. Toutes les variables sont là, il suffit de trouver de quel côté de l'équation les mettre, puis comment les résoudre et les interpréter pour les faire coller avec la réalité des évènements. In fine, c'est peut-être ce qu'il y a de plus flippant avec ce thriller, et la phrase qui ouvre cette critique en est le reflet : Le Chuchoteur, au-delà d'être un très bon livre, amincit la frontière entre la fiction et le réel, nous montrant ainsi des choses qu'on aurait préféré ignorer. Terrifiant.