En achetant la nouvelle édition de Solaris de Stanislas Lem chez Babel, j’ai également craqué pour Le congrès de futurologie, me disant que ça me ferait un amuse-gueule...
Pas d’exploration spatiale au programme ici : le professeur Ijon Tichy fait partie des nombreux invités du congrès de futurologie chargé de proposer des solutions à la crise de la surpopulation humaine. Mais tandis que le congrès se déroule dans une atmosphère qui fleure bon la paranoïa typique des récits SF de la Guerre Froide (Lem écrit en 1971), une manifestation va être réprimée d’une manière nouvelle : par la diffusion de molécules chimiques inhibant toutes les émotions négatives, puis par l’emploi d’hallucinogènes. Ijon Tichy va plonger dans un enfer mental saturé de visions, dont il ne sortira après un long sommeil artificiel qu’en 2039, dans un monde « pharmacocratique » où l’emploi de la chimie a permis d’atteindre une stabilité et une prospérité en apparence exceptionnelles.
L’imagination de Stanislas Lem est incontestablement des plus fertiles. Mais sa manière de construire la première partie du récit, dans une surenchère de visions hallucinées qui semblent procéder d’une pure logique accumulative - du genre marabout, bout de ficelle - ne m’a pas convaincu, pour ne pas dire que je m’y suis ennuyé. Dans Pas dormir, lu il y a quelques jours, Marie Darrieussecq citait Henry James : « Tell a dream, lose a reader ». Lem, lui, ne craint pas de raconter à la suite quatre, cinq ou six rêves.
La seconde moitié, après le réveil cryogénique d’Ijon Tichy, est bien plus amusante, ne serait-ce que pour les nombreux jeux de langage (excellemment rendus dans la traduction de Dominique Sila et Anna Labedzka) introduits dans le monde de 2039 par le biais de la « futurologie linguistique ». Et si le twist final n’est pas si surprenant, cette description d’un univers créé artificiellement pour dissimuler une réalité sordide n’en reste pas moins une idée forte pour l’époque.