Il faut reconnaître à l'auteur (et son traducteur) un réel talent pour la phrase complexe et les envolées métaphoriques, le monologue du héros semble parfois interminable à tel point que l'on se retrouve parfois à cours de respiration, essoufflé par la richesse du vocabulaire, fatigué par la lecture à l'image de la guerre qui creuse le visage et les corps des personnages. Ce roman n'est, à l'évidence, pas accessible à tous les lecteurs mais il est indéniablement bouleversant, dérangeant. On ressent le malaise du personnage, le vide qu'il tente de combler par ses paroles sans coupure. Et on ressent la guerre, toujours aussi dégueulasse et injuste.
Nous étions des poissons, vous comprenez, des poissons muets dans des aquariums de toile et de métal, simultanément féroces et doux, entraînés à mourir sans protester, à nous coucher sans protester dans les cercueils de l'armée, où l'on nous enfermerait au chalumeau, et où on nous couvrirait du drapeau national pour nous renvoyer en Europe dans les cales des bateaux, la médaille d'identification dans la bouche pour nous empêcher d'avoir la velléité du moindre cri de révolte.