Il ne faut pas se fier au titre de ce livre, pour la simple raison que ce roman d'Honoré de Balzac est principalement un des très nombreux portraits féminins faisant partie de La Comédie humaine. Le personnage du curé aura certes un rôle déterminant dans la vie de la protagoniste, mais il n'apparaît que le premier tiers du livre passé. Donc il ne s'agit nullement d'une œuvre qui suit, tout du long, la vie d'un curé de village.
L'ensemble est constitué en tout de cinq chapitres, d'une longueur inégale.
Le premier qui nous présente Véronique, puisque c'est le prénom du personnage principal, est une franche réussite, un modèle de description subtil de ce qui forge une personnalité dans sa jeunesse et au début de l'âge adulte. C'est même pour moi, non seulement la meilleure partie de l'œuvre, mais une des meilleures parties du trop petit nombre de livres que j'ai lus de l'auteur.
Le deuxième tourne autour d'un crime. Je ne vais pas en dire trop. Mais là, il s'agit d'un petit modèle d'efficacité pour captiver l'attention du lecteur et rappelle que Balzac a été un précurseur du roman policier.
Le troisième nous met enfin en scène le personnage qui donne son titre à l'œuvre. L'ensemble s'encombre de quelques descriptions pas toujours utiles, ou du moins un peu trop longues (même si on tient compte du fait qu'on est chez Balzac !), mais parvient à nous introduire d'une manière intéressante le curé, par le biais du regard d'un autre personnage.
C'est sur le quatrième chapitre que je me permets d'être le plus mitigé. Si Balzac réussit à nous montrer le spectaculaire changement, sur quelques années, d'un village misérable en un lieu aussi vivant que riche, à mettre en scène de nouveaux personnages, et à montrer la progression psychologique d'une protagoniste, victime passée des démons de la chair, qui essaye tant bien que mal de purifier son âme, cette partie pêche par d'interminables digressions politiques ou religieuses qui alourdissent le tout, en plus d'être totalement inutiles. Par exemple, si la longue lettre de l'ingénieur Gérard est une critique aussi pertinente que cinglante (et malheureusement plus que d'actualité !) des grandes écoles françaises qui formatent ses étudiants et prennent soin d'écraser tout esprit particulièrement brillant, elle n'apporte absolument rien d'utile à l'intrigue. En outre, certains des autres propos émis dans le roman sont plus que contestables, à l'instar du fait de présenter le catholicisme comme la seule religion valable ou encore le fait d'encenser, sans le moindre recul, le légitimiste.
Le cinquième et dernier chapitre est aussi contaminé par un prosélytisme catholique franchement gênant, mais à au moins le mérite d'accélérer l'action pour aboutir à une conclusion et à une révélation que l'on voyait venir depuis longtemps.
Sans son catholicisme lourdingue, ses autres digressions inutiles, si le tout avait été du même acabit que les trois premiers chapitres, Le Curé de village aurait pu être un beau représentant de la considérable œuvre, considérable aussi bien sur la qualité que sur la longueur, qu'est La Comédie humaine.