Sur la colline aux loups rôde un Démon. Personne ne l'a vu mais il habite les êtres et vraisemblablement, il se transmet comme la peste.
De la cellule de sa prison, Duke tape sur sa machine à écrire. Avec ses mots, son "parlement" bien à lui, il nous propose de partir à la chasse au Démon.
C'est alors l'enfant Duke qui nous tend la main, nous prie de bien vouloir l'accompagner dans son enfer quotidien. Dans cette enfance faite de sensations plus que de verbe, il nous invite pourtant à questionner le sens des mots. Père. Mère. Et tous ces frères et sœurs qu'on ne nomme pas et qui pourtant sont si précieux. Cet amas de chair qui forme la seule chaleur que l'enfant ait pu approcher.
Apprendre un nom et l'aimer encore plus. Accepter de perdre pour lui permettre de gagner.
Perdre ses certitudes et accepter de rencontrer celui que l'on ne voudrait pas connaître. Accepter aussi cette prose atypique, surprenante, dont les défauts donnent leur couleur aux qualités. Une écriture qui dit tout de Duke parce qu'elle est ombre et lumière. Ange et Démon.
C'est un roman dur qui, assurément, même s'il a séduit beaucoup d'entre nous, ne sera pas à mettre entre toutes les mains. Il est souvent éprouvant, gênant, choquant. Mais en contrepartie il est inoubliable parce qu'il ne ressemble à aucun autre. Parce qu'il est biliaire, parce qu'il touche à quelque endroit indicible.
En le refermant je me sens soulagée du fardeau de n'avoir pas eu à juger Duke. De n'avoir eu que le privilège de chercher à approcher sa vérité, ses batailles intérieures. Il n'est pas question de pardon, mais alors que d'aucuns voudraient d'une justice simpliste et expéditive, Dimitri Rouchon-Borie nous rappelle que nos monstres ne sont pas tous faits du même sang, qu'ils n'ont pas tous le même poids dans nos entrailles et qu'il serait bien prétentieux de prétendre savoir ce que nous aurions fait affublés d'une toute autre vie.