Premier livre de Buzzati, c’est également ma première approche des romans italiens.
Celui-ci, présenté dans sa traduction française par Michel Arnaud, s’écrase avec écho au fond du gouffre existentiel.
On ne pourrait mieux le décrire, puisqu’ici, la quête du sens, à travers de nombreux prismes, se confronte à une vie d’attente, de simple sentinelle, somme toute humaine, cherchant dans le lendemain une quelconque récompense, voire gloire, un quelconque changement dans ce journal de l’attente, qui trace éternellement les mêmes traits dans les journées qui se suivent.
Chaque page est une découverte, et, achevant le livre, tout un chacun saurait retrouver son chemin tant la géographie est présente, l’énigmatique désert, les corridors et remparts du fort, les vallées et prairies, les redoutes dans les montagnes… On est transporté dans ce microcosme, monde à part entière qui ne représente pourtant qu’une infime parcelle du champ des possibles.
Toutefois, Giovanni décide de rester en poste au fort, de son propre chef, résistant à son désir d’ailleurs, rompant page après page les liens cruciaux de "la ville”, s’établissant veilleur d’un danger certain, il s’imagine destiné à de grandes choses et s’entend rester jusqu’à ce qu’elles viennent à lui.
Roman absolu, il décrit le vide en le remplissant de silence, et là bas, au fort Bastiani, dans son ultime adieu, Giovanni Drogo hurle.
Un roman qu’il faut lire, au moins une fois, pour ne pas oublier d’être avec sa volonté propre, qui appelle de ses vœux à vivre, pour ne pas ressentir “une impression amère, comme si l’affection de jadis se fut atténuée, comme si entre eux deux le temps et la distance eussent lentement tissé un voile de séparation”.
Un roman qui assomme et qui, je le crois, permet l’ouverture des esprits déterminés et enfermés sur eux-mêmes.
…et adieu à tant d’autres qui te ressemblent, qui, trop longtemps, comme toi, se sont obstinés à espérer : le temps a été plus rapide que vous et vous ne pouvez pas recommencer.