Camilla Läckberg a un talent, celui d'avoir su créer un petit univers cosy et confortable, où la chaleur du foyer vient compenser la violence du monde et la froidure du climat : à la lecture de ses premiers bouquins, on se sent à l'aise, en compagnie de personnages du quotidien qui nous ressemblent, simples et attachants, dans le décor enchanteur de Fjällbacka, charmant port de pêche suédois.
C'est ce qui explique que j'ai lu pendant longtemps chaque nouvel opus de la romancière suédoise - et surtout le fait que ma mère en était une lectrice fidèle, me faisant "tourner" chaque année le nouveau Läckberg.
Assez vite, pourtant, chaque publication a commencé à ressembler davantage à la précédente, avec une recette d'écriture de plus en plus visible, comme un discours politique creux dans lequel on repérerait aisément les éléments de langage : une double narration immuable, avec une sombre histoire du passé qui vient télescoper une sordide affaire du présent ; de longs paragraphes (sortes de micro-chapitres) alternant les points de vue en nous laissant chaque fois sur un mini-cliffhanger puéril - mais qui forcément incite à continuer ; une bonne dose de violence perverse pour faire comme les copains scandinaves, compensée par la vie quotidienne du couple idéal, composé de Patrick le gentil flicard et Erica la scribouillarde attachiante.
Ce système bien rôdé a tenu un certain moment en ce qui me concerne, le temps que les personnages principaux connaissent une certaine évolution (certes ultra convenue : rencontre, mariage, enfants, dépression post-partum...), et que les enquêtes finissent par toutes se ressembler, ce qui a quand même pris quelques romans.
Et là, quelques années plus tard, je tombe à la médiathèque sur ce neuvième volet, et je suis pris d'une bouffée nostalgique, avec en outre l'idée de mesurer si ces polars étaient vraiment si nuls que ça avec le recul.
Verdict : j'ai à nouveau ressenti une phase agréable dans ma lecture, le temps de me replonger dans cet univers douillet, avant de déchanter en constatant que les personnages n'ont absolument pas évolué (ainsi, Mellberg est toujours cette caricature de chef incompétent et narcissique… MAIS grand-père affectueux) et que Läckberg utilise des ficelles de plus en plus grosses, allant toujours plus loin dans le concept de recette "littéraire".
Pêle-mêle : on devine les péripéties une heure à l'avance, l'histoire ne tient pas debout lorsqu'on arrive à la fin, et puis on constate un petit côté putassier, par exemple lorsque l'auteur entretient le suspense autour de violences supposément conjugales, et qu'en réalité les sévices étaient dispensés par... la fille du couple (aha je vous ai bien eus!). Navrant.
Et le pire dans tout ça, c'est l'héroïne Erica (sans équivoque, la représentation fantasmée de l'auteur elle-même : écrivain, célèbre, leurs deux filles ont le même prénom etc...), imbuvable de pseudo perfection, bien-pensante au dernier degré, dégoulinante d'empathie en toc. Une véritable Mary Sue qui montre bien la haute opinion qu'a d'elle-même miss Camilla Läckberg.
Bon, je suis énervé comme vous l'aurez compris, mais en dépit de tous ses défauts, il faut reconnaître que l'ensemble se lit vite et sans trop de difficulté. Mais je reste effaré par la moyenne indécente (7,20) dont bénéficie "Le dompteur de lions" sur Sens Critique - un site réputé "élitiste".