" Hier on m'a donné l'extrême-onction et aujourd'hui j'écris ceci. Le temps est bref, l'angoisse croît, l'espoir défaut et, malgré tout, je porte ma vie par le désir que j'ai de vivre. "
Ce furent les derniers mots de Cervantès en 1616 dans sa dédicasse de Persille et Sigismonde et je persiste à croire, après chaque lecture de ceux-ci, qu'ils collent mieux que tout autre à cette dernière livraison de Roberto Bolaño.
Le gaucho insupportable est un recueil de cinq nouvelles et deux "essais" que Bolaño remit à son éditeur en 2003, la veille de son admission à l'hôpital où il décédera deux semaines plus tard. Des nouvelles non pas inégales comme un recueil a l'habitude d'en livrer généralement, mais des nouvelles éloignées les unes des autres. En somme, comme son loyal traducteur Robert Amutio le souligne dans son court avant-propos: un testament.
Bolaño et le recueil -comme l'intégralité de son oeuvre d'une certaine manière- souffrent de ce désespoir, ce non-retour conscient que peu d'hommes caressent. Du fantôme de la première nouvelle (Jim), de l'originale et non moins bonne Le policier des souris à la fantastique dualité des Deux contes catholiques, Bolaño signe ici les derniers échantillons de sa prose (écrit en alternance avec son monument, ne serait-ce que par sa taille, de 2666).
Il intervient enfin, brièvement, durant deux essais où tantôt il appose son regarde froid sur la Maladie, l'art, la littérature et le voyage (dans cet essai si fort, intitulé Littérature + Maladie = Maladie) et tantôt règle ses comptes avec la littérature hispanophe armé d'un cynisme désarmant, littérature qu'il traversa météoriquement et qui le reconnut pourtant quelques semaines avant sa disparition comme le plus grand auteur d'Amérique latine encore vivant.