" Mon père voyageait beaucoup et rapportait toujours de très bonnes histoires, qu'il racontait avec implications et malice... Mais sa plus grande histoire commençait par sa traversée de la ligne de démarcation, caché dans une charrette à foin. "
Qui de mieux qu'un Surprisier pour mettre de l'extra dans l'ordinaire et illuminer un souvenir familial, aussi douloureux et terrible soit-il, pour le rendre si poétique, lumineux et gorgé d'amour ?
Car c'est de cela qu'il s'agit, une partie de l'histoire familiale de l'auteur, celle de son père alors âgé de 9 ans, en juin 1944, tandis que la Seconde Guerre mondiale fait rage. Le petit Mainou vient de perdre sa mère en couches, son père doit repartir se battre sur le front. On l'envoie donc rejoindre la famille de sa défunte mère, dans une ferme en Lorraine, en territoire ennemi. Il doit voyager dans une charette de foin, caché, puis se muer en fantôme dans la ferme des mois durant, en attendant la fin de la guerre...
Dans ce récit intimiste, on flirte allègrement entre le voyage initiatique, le journal intime et le huis clos, le tout copieusement arrosé de fantastique, de poésie, de suspense et de réflexions philosophiques vues à travers le prisme d'un enfant.
Tantôt on pleure pour ce gamin que la vie n'a pas épargné, on tremble qu'il ne soit découvert par l'ennemi, on s'émerveille de son éveil face à un nouveau monde et une famille qu'il apprend à connaître, cet oncle Émile attachant, les histoires qu'il s'invente pour ne pas perdre la raison et ce cahier qu'il remplit pour maintenir le contact avec sa mère. On rit face à ses aventures, Marlène et Jean Gabin qu'il apprivoise tel un magicien en culottes courtes. On vibre lorsque l'amour se présente à lui, aussi inattendu que merveilleusement Innocent. On frissonne lorsque les bombes pleuvent la nuit, que les Allemands débarquent inopinément à la ferme ou à l'épicerie de sa grand-mère. On espère pour lui une fin heureuse, des retrouvailles avec son père.
Bref, c'est une histoire de famille, de filiation, de quête de soi. Surmonter son chagrin et une perte irremplaçable.
Survivre à l'horreur.
Célébrer la vie et le pouvoir de l'imaginaire.
Bravo !
Un coup de coeur !