The Hitchhiker’s Guide to galaxy, ou H2G2 en abrégé, ou Le Guide du voyageur galactique en France ou encore Le Guide du routard galactique dans certaines traductions…
Bon visiblement, les gens appellent ce bouquin comme ils veulent ; moi j’ai choisi H2G2 parce que c’est plus court.


H2G2 de Douglas Adams, donc, raconte l’histoire d’Arthur Dent, un simple fonctionnaire Anglais qui, lorsque sa maison puis sa planète sont détruites pour laisser place à une autoroute terrestre puis spatiale, se retrouve à voyager dans l’espace en compagnie de son meilleur ami Ford Prefect, qui s’avère être un extra-terrestre originaire de Bételgeuse. Les deux rescapés devront faire covoiturage avec Zaphod Beeblebrox, un président en fuite pour avoir volé un vaisseau high-tech ; Trillian, une vieille connaissance d’Arthur ; et Marvin, un androïde maniaco-dépressif.


A travers cette histoire de space opera somme toute simple et linéaire mais qui se suit sans déplaisir, Douglas Adams met en place un univers qui lui est propre. Il y évoque des créatures comme Les Chveux, les Hooloovoo ou le hanneton glouton de tron et des personnalités très connues comme le théologien Oolon Colluphid ou le capitaine Yooden Vranx. Comme ça, en passant. Le fait de ne pas développer plus que ça certains aspects de l’univers est d’ailleurs très pertinent : ça laisse énormément à manger au lecteur. Le livre fait preuve d’une attention toute particulière aux détails ; on a la sensation d’un univers riche, vivant, foisonnant (comme si à chaque seconde une foultitude d’évènements intrigants se produisait simultanément), et surtout particulièrement absurde. Cette technique, on la retrouve dans de nombreuses grands cycles de SF, comme Le cycle de Mars d'Edgar Rice Burroughs, Dune de Frank Herbert, ou encore, en un peu différent, dans Star Wars 8 de Rian Johnson, où les nombreux animaux présents tout au long du film, comme les Porgs, les lapins-chevaux ou les loups de cristal, participaient à créer la sensation d’un écosystème propre à chaque planète, avec ses règles et sa logique. Oui je sais, ça n’a rien à voir, mais j’aime dire du bien de ce film.


L’auteur ayant été un collaborateur et ami des Monthy Python, issu de la même mouvance, son œuvre présente plusieurs similitudes avec celles de la troupe. H2G2 transpire ce flegme britannique, cette décontraction quasi-cartoonesque, cette capacité à conter les évènements les plus ridicules sur un ton ni totalement premier degré ni totalement ironique ou conscient de lui-même. Adams arrive toujours à faire passer ses facilités d’écriture par des trouvailles burlesques. Arthur et Ford s’apprêtent à mourir gelés dans le vide spatial ? Eh bien en fait non, ils vont se faire sauver par un vaisseau qui fonctionne avec un moteur qui génère de l’improbabilité. Les héros sont encerclés par deux flics qui leur tirent dessus ? Pas grave, ils vont se faire tuer par Marvin qui va pousser l’ordinateur qui contrôle leurs combinaisons à se suicider rien qu’en lui parlant.


Parce que H2G2, c’est avant tout une comédie. Et de l’humour, il y en a. De l’humour absurde, de l’humour potache, de l’humour de dialogue, de l’humour de situation, de l’humour dans le résumé de texte… Une omniprésence qui se ressent sur tous les aspects de l’œuvre.


Le style. Adams aime ponctuer ses phrases de touches ironiques et de formulations rigolotes. Par exemple :


"…Car en ces jours, les esprits étaient braves, les enjeux élevés, les hommes de vrais hommes, les femmes de vraies femmes, et les petites bestioles fourrées d’Alpha du Centaure de vraies petites bestioles fourrées d’Alpha du Centaure."


"Puis l’androïde se dressa en donnant l’impression de peser cinq livres de plus que son poids réel et fit un effort, que tout observateur aurait qualifié d’héroïque, pour traverser la pièce."


"Mais hélas, avant que la jeune fille n’ait eu le temps de trouver une cabine pour téléphoner à quelqu’un la nouvelle, une terrible catastrophe survint et l’idée se perdit à jamais. Ceci n’est pas l’histoire de cette jeune fille."


"Les déviations sont ces dispositifs permettant à certaines personnes de se précipiter à fond de train du point A au point B tandis que d’autres personnes en font de même mais du point B au point A. Les gens qui vivent au point C, exactement situé à mi-chemin, ont souvent tendance à se demander ce qu’a de particulier le point A pour que tant de gens du point B aient envie de s’y rendre et ce qu’a de particulier le point B pour que tant de gens du point A aient envie de s’y rendre. Bien souvent ils préféreraient que les gens décident une bonne fois pour toutes où diable ils ont envie de se mettre."


Ou encore ce passage merveilleux où il spoile la suite du récit pour éviter au lecteur un excès de stress.


Les personnages. Si les personnages principaux ne sont pas plus développés que ça, le livre s’attache beaucoup à la description des personnages secondaires. Je me souviens encore de cet agent municipal qui s’avère être un descendant de Gengis Khan ; de ce garde Vogon naïf ; de Vroom Fondel, ce représentant qui établit sans arrêt des exigences inutiles et dont le nom ressemble à celui d’une marque de balai ; ou même de ces deux policiers accros de la gâchette qui se croient intelligents. Il s’en dégage une personnalité décalée, ridicule et surtout profondément humaine (plutôt ironique pour des aliens).


L’univers. Dans ce monde, la principale référence en termes de documentation est un livre électronique avec la phrase « Pas de panique ! » écrit sur la couverture. On y apprend que l’objet le plus utile pour survivre dans la galaxie est une serviette parce qu’elle peut servir à tout et n’importe quoi. La Terre est en réalité un ordinateur gigantesque crée par les souris et censé trouver La Grande Question sur la vie, l’univers et le reste ; une question dont la réponse est 42. Pas de bol, elle a été détruite cinq minutes avant d’avoir fini sa mission. Très fréquemment, des coïncidences sans réelle importance ont lieu. Par exemple, la probabilité d’être secouru une fois projeté dans le vide spatiale est égale au numéro de l’appartement où Arthur et Trillian se sont rencontrés. Et parfois, un trou de ver peut apparaître de nulle part lors d’une phrase mal placée et crée par accident une guerre millénaire entre êtres microscopiques.


Et la narration. Adams parsème son récit d’extraits du Guide du voyageur intergalactique et d’autres digressions pour nous dire : « Tiens, saviez-vous qu’il existe un poisson qui permet de comprendre toutes les langues de l’univers ? Pratique, n’est-ce pas ? Tellement qu’il peut prouver que Dieu n’existe pas. Ben oui, c’est une preuve trop grosse de son existence le créateur avait dit qu’il refusait de la prouver. D’ailleurs il va disparaître dans une bouffée de logique. Mais assez parlé de Dieu, intéressons-nous plutôt aux pensées d’un cachalot qui vient tout juste d’apparaître dans l’espace… Ah ben non, trop tard, il est mort ! Un pot de pétunia aussi est mort. Et ses dernières paroles vous aideront à comprendre le sens de la vie ! Vous pensez que je bois trop ? Ça tombe bien. Voici la recette pour préparer la meilleure boisson de l’univers ! Commencez par mélanger ceci et cela, puis patati et patata puis bululululu ; Késé késé késé ; pose les deux pieds en canard, c'est la chenille qui redémarre et cetera, et cetera. »


Paradoxalement, je ne pense pas qu’un tel livre soit accessible à tout le monde. Les réfractaires à la SF auront du mal à adhérer à l’univers et aux thématiques : le sens de la vie, la place de l’Homme dans la galaxie, l’absurdité de l’existence. Des thèmes très pointus que même une approche très légère ne simplifie pas. Ceux qui n’aiment pas l’absurde pesteront devant les noms à consonance bizarre et les nombreuses coïncidences. Et ceux qui n’y connaissent rien en littérature seront perdus par les passages les plus stylisés. La scène du générateur d’improbabilité, par exemple. C’est d’autant plus dommage qu’elle démontre en quelques pages notamment tout le talent humoristique et absurde de Douglas Adams, mais aussi tout son talent littéraire.


En voici deux extraits pour le plaisir :


"Des piaillements stridents de flûtes et de violons perçaient le vent, des beignets fumants jaillissaient de la chaussée à dix pence pièce, d’affreux poissons dégringolaient maintenant des cieux, et Arthur et Ford décidèrent à ce moment de décamper. Ils traversèrent d’épaisses murailles sonores, des montagnes de pensées archaïques, des vallées de musique d’ambiance, des piles de mauvais quarts d’heure et de toquades futiles et puis soudain ils entendirent une voix de petite fille."


"Ford, tu es en train de te transformer en pingouin. Arrête tout de suite !"


Ce que je reprocherais au livre, ce sont ses protagonistes très peu intéressants, le personnage principal en tête. Arthur est un terrien ordinaire dont le principal trait de caractère est d’être perdu face au nouveau monde qu’il découvre. Il se laisse porter passivement de péripétie en péripétie sans jamais en être le centre et en ne prenant aucune initiative personnelle ou du moins qui permettrait de le mettre en avant. Il est plat comme une feuille ! Et là où il est censé servir de point d’accroche au spectateur, celui-ci découvrant l’univers en même temps que le personnage, il aura paradoxalement l’effet inverse et poussera les plus réfractaires à jeter prématurément à la poubelle un pourtant très bon roman. Heureusement que le livre s’en sort avec les très drôles personnages de Zaphod et Marvin, mais aussi avec tous ces personnages secondaires marquants.


Je ne pense pas qu’H2G2 vieillira un jour. Il faisait déjà rire il y a 40 ans, il fait toujours rire aujourd’hui et il fera sûrement encore rire dans deux siècles. Si jamais la Terre n’a pas été détruite par des énormes machins jaunes Vogons, le réchauffement climatique, une guerre nucléaire ou une horde de fans de Star Wars extrémistes qui chercheront à supprimer toutes les femmes du monde par peur de se faire envahir par les « SJW », bien sûr. C’est pour cette raison que j’invite tout le monde à le lire… à condition de regarder Sacré Graal, Rubber et Hunger Games avant, histoire de ne pas être perdus.

WatchFox
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le 18 août 2019

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