L'idée de départ est simple. Un homme, Salvador Fuensanta travaille comme balayeur dans le hall d'un aéroport. C'est un homme actif mais dont le travail manuel lui laisse tout le temps pour des activités intellectuelles. Son passe-temps favori est de s'adresser aux personnes qui attendent là sans trop savoir quoi faire. Or, Salvador est disert, sympathique et débordant d'anecdotes.
Ses anecdotes, Salvador les tient des passagers qui lui racontent leurs mésaventures aériennes. Mais Salvador ne se prive pas non plus pour raconter ce qu'on lui a raconté. On pourrait imaginer au premier abord que ce roman est constitué de saynettes savoureuses mais vite digérées. Il est vrai que c'est le ton du début. Pourtant, au fil des pages, le propos accroche de plus en plus l'attention. Il est vrai que Salvador a ses obsessions. Il aime bien parler d'un de ses amis soi-disant disparu du côté du Népal. Et, parfois, ses histoires comportent des rebondissements inattendus. Alors il s'y reprend à deux fois pour tout dire.
C'est la partie du milieu qui emporte vraiment l'adhésion. Ainsi, l'anecdote à laquelle le titre fait référence emmène le lecteur dans un imaginaire de haute volée. Eh oui, le Japon ne serait qu'une idée publicitaire. Une opération marketing comme une autre. La façon dont Salvador la détaille est franchement amusante. Il va jusqu'au bout d'un raisonnement qui va dans le sens de toutes les délirantes théories de complots qui circulent un peu partout. Et comme il ne manque pas d'air, il conclue ainsi « Tous ces japonais avec leurs appareils photos ? Non, il n'y en a pas tant que ça, même si on en a l'impression. Ce sont toujours les mêmes. Une cinquantaine. Ils sont recrutés pour voyager et prendre des photos. Un travail aussi digne qu'un autre, vous ne croyez pas ? »
C'est ainsi que Salvador s'exprime. Le lecteur a droit à une sorte de soliloque avec les paroles de Salvador qui s'adresse toujours à quelqu'un dont on ne connaît pas les paroles. Ces paroles sont facilement imaginables et évidemment, le lecteur s'identifie sans difficulté aux différents interlocuteurs du narrateur. Il faut dire aussi que l'auteur utilise un style qui rend bien le langage parlé naturel. C'est un grand bavard qui s'exprime. Mais il connaît son affaire et sait captiver son auditoire en ménageant ses effets. La lecture est facile (lu en moins d'une journée). 19 chapitres et un épilogue pour un total de 159 pages. On pourrait craindre l'effet « nouvelles » avec une histoire et un interlocuteur différent par chapitre. Mais non, tout cela s'enchaîne très bien et l'épilogue apporte une touche humaniste bienvenue.
L'auteur sait manipuler son lecteur en douceur. En effet, chacun sait que le Japon c'est le pays des sumos, des geishas, du sushi, des appareils électroniques high-tech, etc. Pourtant on avale ses bobards avec délices. Et celui concernant le Japon n'est qu'un exemple parmi les plus délirants. C'est le premier roman publié d'Alberto Torres-Blandina. Son imagination débordante laisse espérer d'autres bonnes surprises pour les années à venir. Quelles seront les prochaines destinations qu'il proposera à ses lecteurs ? On en salive à l'avance.
Titre original : Cosas que nunca ocurririan en Tokio (Espagne – 2009).
Editions Métaillié (broché et collection de poche).
Electron
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le 26 juin 2012

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