Le Baron Von Yosch, le narrateur, nous raconte son histoire. Il revient sur son expérience où lors d’une soirée, et après avoir entendu un récit abracadabrant sur des suicides incompréhensibles, Bischoff leur hôte, comédien désespéré, est retrouvé mort. Suicide ? Meurtre ? Le Baron, amoureux de Dina la femme de Bischoff, est soupçonné. Un médecin, Gorski et un jeune ingénieur, Solgrub, décident de mener l’enquête.
Il s’avère que les suicidés sont tous d’une manière ou d’une autre des artistes en panne. Or, Solgrub approchant de la vérité, sera lui aussi soumis à une expérience dramatique. Le doute s’immisce, le Baron faisant lui aussi l’expérience de visions horrifiques et échappe de peu à la mort.
De là il sera question de musique, de langue italienne, d'un médecin expert en sciences occultes, d’un atlas du XVIème siècle, d’un peintre en mal d’inspiration qui perdra la raison et se mettra à peindre inlassablement des scènes du jugement dernier....
L'enquête les persuade que le tueur ne serait ni de chair ni de sang prenant son histoire des siècles passés, venant soumettre les hommes, s’insinuant dans leur cerveau pour les pousser au suicide. Mais au fil de leurs recherches ne s'agirait-il pas plutôt d'un récit caché dans l’atlas qui après avoir été lu pousserait à la mort ? ou d' une drogue qui réveillerait nos terreurs, voire nos crimes et nous pousserait à l’auto-châtiment ? Ou alors, d'un simple tueur, cloîtré dans un appartement ? Ou peut-être encore, Le Baron Yosh serait-il coupable ? N'est-il pas un homme dangereux ? N'a-t-il pas déjà fait preuve de violence ?
Pérutz écrit avec humour et légèreté encore une fois et ménage son suspense, distille ses indices, nous donnant quelques réponses au fil des pages. Avance, recule, nous perds encore.
D'une enquête des plus ludiques, Pérutz nous parle de l’homme, de son histoire, et du refus de la réalité. Entre son passé réel et son personnage de fiction, qu’il peut à son aise refaçonner dans de grandes envolées romanesques, le Baron se révélera, nous donnera la résolution finale, et Léo Pérutz de revisiter le thème du monstre.
Et par la plume du Baron lui-même, se dévoile son caractère, pour une sorte de quête identitaire ou de rédemption...
Le cavalier suédois et le destin, Le maître du jugement dernier et la psychologie pour deux ouvrages évoquant la notion du double et la complexité de l'homme. Pérutz propose des récits teintés de fantastique, à plusieurs niveaux de lecture, ancrés dans son époque. Sa propre expérience de la guerre, le Baron étant un capitaine... La psychanalyse renvoyant aux travaux de Freud dans les années 20.
Textes définitivement subtils et une écriture d’une limpidité parfaite.
Un vrai plaisir de lecture.